Au terme de ce long et tumultueux été de pandémie, la rentrée en classe se déroule maintenant partout au pays. Jusqu’à maintenant, les lignes directrices du gouvernement fédéral pour une réouverture sécuritaire des écoles sont assez floues et les mesures prises par les écoles varient énormément entre les provinces. Par exemple, en Saskatchewan, le port du masque n’est pas imposé alors que dans les régions à plus haut risque en Ontario, le port du masque sera obligatoire pour les élèves de la quatrième à la douzième année et les élèves du secondaire ne seront physiquement en classe que la moitié de la semaine.

Ces différences entre les provinces sont logiques étant donné la gravité variable des éclosions dans les différentes régions du pays, mais la stratégie globale du Canada ne permet pas de contrer la menace que présente le virus. En ne tenant pas compte des risques bien réels auxquels font face les enfants et les communautés dans lesquelles ils vivent, l’absence de règles claires pourrait mettre en péril la santé publique et exacerber les inégalités existantes.

Contrairement à la désinformation véhiculée en ligne, les enfants et les adolescents ne sont pas immunisés contre la COVID-19. Au Canada, plus de 10 000 jeunes âgés de 19 ans ou moins ont reçu un diagnostic de la maladie et plus de 145 jeunes de ce groupe ont été hospitalisés. Jusqu’à maintenant, un jeune (dont l’âge exact n’a pas été dévoilé) est mort de la maladie.

Comme nous avons pu le constater tout au long de la pandémie, le racisme systémique a des répercussions importantes quant aux groupes qui sont le plus touchés par la COVID-19, notamment les PANDC et les autres communautés racialisées. Par ailleurs, ces inégalités existent aussi parmi les enfants. Une étude effectuée auprès de 1 000 volontaires à Washington, DC, conclut que le taux d’infection des enfants noir·e·s et hispaniques était plusieurs fois supérieur à celui des enfants blanc·che·s,soit 30 pour cent chez les enfants noir·e·s, 46,4 pour cent chez les enfants hispaniques et seulement 7,3 pour cent chez les enfants blanc·che·s.

Même si le taux de cas graves observé chez les enfants au Canada est relativement faible, il faut se rappeler que les cas que nous avons constatés jusqu’à maintenant sont demeurés gérables en raison des mesures de confinement et de la fermeture précoce des écoles. L’évolution de ces chiffres lorsque les écoles seront rouvertes demeure incertaine, mais les premières données des États-Unis et d’autres pays ne sont pas encourageantes.

Chez nos voisins du sud où, dans certains États, l’école a repris en août, un certain nombre de cas de COVID-19 ont été observés dans les écoles, ce qui a forcé des milliers d’élèves et de membres du personnel à rester en quarantaine après avoir été potentiellement exposés au virus. Le véritable nombre de cas est toujours inconnu, essentiellement parce que certains États ne comptabilisent actuellement pas les cas cumulés de COVID-19 dans leurs écoles, et qu’aucun compte des éclosions dans les écoles à l’échelle nationale n’est effectué.

Non seulement les enfants peuvent contracter le virus, mais ils peuvent aussi le transmettre à leur famille à la maison et potentiellement créer des grappes de transmission. Une étude menée en Corée du Sud conclut que les jeunes âgé·e·s entre 10 et 19 ans étaient aussi susceptibles de transmettre le virus que les adultes. Ainsi, même si le risque de tomber gravement malade est faible parmi les jeunes, elles et ils peuvent quand même mettre les adultes à risque de contracter une forme sévère de la COVID-19.

Les enseignant·e·s et les autres travailleur·euse·s sous-payé·e·s et sous-protégé·e·s deviennent aussi vulnérables avec la réouverture des écoles, et certain·e·s élèvent leur voix pour signifier leur peur et leur frustration relativement au manque actuel de planification du gouvernement. Une enseignante québécoise confiait à CTV : « Plusieurs d’entre nous craignent de montrer à quel point nous avons peur… Nous devons paraître braves et faire sentir les jeunes en sécurité. Mais lorsque nous nous retrouvons seuls ou en parlons entre nous, la vérité est que oui, ça fait peur d’être ici ».

En revanche, passer à un enseignement exclusivement à distance risquerait d’avoir des répercussions négatives importantes sur les enfants marginalisés qui vivent déjà des inégalités en éducation. Les familles à faible revenu pourraient ne pas être en mesure de se procurer la technologie ou l’accès Internet nécessaire pour assurer l’apprentissage à distance, et, dans certains cas, il pourrait s’avérer impossible pour certaines familles d’offrir un milieu calme et sans distraction en raison du manque d’espace à la maison. Si les enfants devaient suivre leur cours à distance, les parents qui ne peuvent se permettre des frais de gardiennage seraient forcés de jongler avec cette nouvelle responsabilité en plus de leur travail.

Dans certains endroits – la plupart du temps, dans des milieux circonscrits essentiellement blancs des États-Unis –, des « microécoles » ont vu le jour : des familles regroupent leurs enfants en petits groupes pour recevoir un enseignement privé en personne. Or, les familles à faible revenu et les PANDC ont été exclus de la discussion jusqu’à maintenant.

En matière d’éducation, le statut économique constitue déjà un facteur d’inégalité au pays. Un rapport de 2018 préparé par l’UNICEF indique qu’au Canada, « la richesse des parents explique près de la moitié des écarts dans les résultats scolaires au secondaire ». Les preuves révèlent que les enfants de ménages à faible revenu sont nettement désavantagés lorsqu’ils commencent l’école, alors que les enfants de familles plus aisées ont accès à plus de ressources, ce qui se traduit directement par des résultats plus élevés.

« Les inégalités de revenu engendrent un “déficit d’investissement privé” dans l’enfance, les parents plus riches et plus instruits étant mieux à même de procurer des ressources et des environnements propices au développement des enfants pendant leurs années de scolarité », indique le rapport. « une plus grande sécurité alimentaire, des maisons et des quartiers plus sûrs, une aide pour les enfants vivant avec un handicap, ainsi que des possibilités plus riches de jouer et d’apprendre, tant à l’école qu’en dehors, en sont de bons exemples ». La pandémie de COVID-19 montre clairement que les inégalités pourraient s’aggraver, ce qui creuserait encore plus l’écart entre les enfants de ménages à faible revenu ou de communautés marginalisées et leurs pairs plus aisés.

Il n’existe pas de solution miracle à ce problème, d’autant plus que les gouvernements tentent actuellement de gérer à la fois les risques pour la santé et la sécurité de l’enseignement en personne dans les écoles et les inégalités créées par l’enseignement à distance. Cependant, si aucune mesure n’est prise pour réduire ces inégalités associées au revenu, à l’origine ethnique et au statut d’immigration, les écarts dans le nombre de cas d’infection à la COVID-19 et les conséquences à long terme sur la santé et l’éducation des jeunes risquent de prendre encore plus d’ampleur.

Lorsque la pandémie du nouveau coronavirus a éclaté au Canada et que le confinement a été imposé, entraînant la fermeture d’entreprises et laissant de nombreux travailleurs horaires sans emploi, ce qui les a obligés à avoir recours à l’assurance-emploi, des millions de Canadiens se sont alors demandé comment ils allaient joindre les deux bouts.

Vers la fin de mars, le gouvernement Trudeau a annoncé la mise en place de la prestation canadienne d’urgence (PCU), qui permettait à une multitude de Canadiens de toucher une allocation de 2 000 $ par mois. « Aucun Canadien ne devrait avoir à choisir entre protéger sa santé, se nourrir, payer ses médicaments ou prendre soin d’un membre de sa famille », lisait-on dans le communiqué de presse publié par le ministère des Finances le 25 mars dernier.

Cette mesure, très bien accueillie par plusieurs, offrait un soutien financier essentiel en cette période difficile. Or, d’autres se sont demandé ce qui se passerait une fois que la pandémie serait terminée… Bien avant que ne sévisse la COVID-19, d’innombrables Canadiens étaient forcé·e·s de choisir entre des biens essentiels, comme la nourriture ou les médicaments, par manque de ressources financières. Lorsque la pandémie sera derrière nous, le nombre de personnes aux prises avec ces difficultés sera probablement plus élevé encore. Pour répondre à ces besoins à long terme, il faudra adopter une approche beaucoup plus globale.

Le concept de revenu minimum garanti (RMG) – une politique selon laquelle le gouvernement offre une sécurité financière de base à tous et toutes les citoyen·ne·s en vertu d’une allocation récurrente – existe depuis longtemps, et les programmes de RMG mis à l’essai ailleurs dans le monde ont eu des retombées extrêmement positives. Une étude réalisée par l’organisme Standford University Basic income Lab conclut que dans les pays à revenu faible et moyen, les politiques de RMG ont entraîné une réduction de la pauvreté et, dans tous les pays à l’étude, une amélioration de la santé et du bien-être.

À deux reprises dans le passé le Canada a flirté avec l’idée d’instaurer un RMG : d’abord lors d’une étude réalisée au Manitoba dans les années 1970, puis une seconde fois, en Ontario, entre 2017 et 2018. Malheureusement, les deux projets ont avorté avant même qu’une analyse à grande échelle adéquate soit effectuée.

Or, un examen de l’étude manitobaine de 2011 révèle un certain nombre de retombées positives pour plus de 2 000 ménages qui ont reçu du soutien, notamment un déclin du nombre d’hospitalisations, une diminution du nombre de visites chez le médecin ainsi qu’une amélioration de la santé mentale. En Ontario, les résultats – bien que limités en raison de l’annulation prématurée de l’étude – étaient aussi positifs : les répondant·e·s affirmaient avoir amélioré leur alimentation, diminué leur consommation de tabac et d’alcool et se disaient moins anxieux·euses.

L’un des principaux arguments contre le RMG comme politique globale est que cette mesure inciterait les gens à ne pas travailler, car ils pourraient tout simplement rester à la maison en touchant l’allocation. Or, les résultats des études canadiennes ne vont pas en ce sens : aussi bien au Manitoba qu’en Ontario, les répondant·e·s ont continué de travailler même s’ils recevaient l’allocation.

Sans surprise, un tel programme coûterait cher, mais l’étude ontarienne indique que les économies réalisées en soins de santé compenseraient à tout le moins partiellement les coûts du programme lui-même. Dans l’ensemble, les économistes qui ont modélisé les retombées d’un RMG indiquent que le bénéfice économique net serait positif. Par ailleurs, une étude effectuée aux États-Unis par le Roosevelt Institute indique qu’un RMG mensuel de 1 000 $ octroyé à chaque Américain·e ferait croître l’économie d’environ 12 à 13 pour cent.

UBI Works, un organisme canadien regroupant des acteurs du monde économique, des chercheurs et des économistes, a réalisé une analyse de rentabilité indiquant les raisons pour lesquelles un plan de revenu garanti devrait être instauré au Canada. Dans le site Web de l’organisme, on y lit que « le RMG est une nécessité économique qui met les marchés au service de l’humanité; il constitue la charpente de notre environnement capitaliste, en accroissant la résilience et la solidité de l’économie et en permettant à chacun de contribuer à son plein potentiel ». Bien que l’on entende beaucoup parler des coûts associés au RMG, les avantages sur le plan économique ne sont pas à négliger.

Un RMG réglerait directement les questions matérielles des citoyen·ne·s, en leur offrant les ressources financières leur permettant de répondre à leurs besoins. Il contribuerait ainsi à réduire les inégalités persistantes en santé, en éducation et en sécurité financière qui touchent les PANDC de façon disproportionnée. Un revenu garanti constitue aussi un moyen de combler l’écart évident de richesse entre les personnes blanches et les PANDC : des données de 2016 indiquent que les ménages de personnes blanches aux États-Unis cumulaient en moyenne une richesse dix fois plus élevée que celle des ménages de personnes noires, et environ huit fois plus élevée que les ménages d’origine latine. Un revenu minimum garanti ne comblerait pas nécessairement ces écarts de richesse, mais représenterait un excellent point de départ.

L’ampleur et la vitesse avec lesquelles la PCU a été instaurée dans les semaines suivant le début de la pandémie montrent bien que, moyennant des incitatifs adéquats, le gouvernement pourrait mettre en place un programme de revenu minimum garanti pour l’ensemble du pays. À l’instar de la PCU qui a permis à la population canadienne de maintenir la tête hors de l’eau (et même, dans certains cas, de gagner plus que le salaire de l’emploi occupé avant de le perdre), les mêmes avantages seraient observés si un RMG était mis en place de façon permanente.

Plus important encore, le RMG transforme la relation entre les personnes et leur travail, et permet d’envisager un mode de vie qui n’est pas uniquement axé sur un travail exténuant, l’exploitation par les employeurs ou toute autre forme de discrimination. À la lumière des nombreuses pertes d’emploi découlant de l’automatisation dans les dernières années, du fossé toujours plus grand entre les riches et les pauvres et des impacts économiques de la pandémie de COVID-19, il serait peut-être temps de songer aux différentes retombées positives qu’aurait l’instauration d’un filet de sécurité financière de base dans la vie des Canadiens.

La pandémie de COVID-19 prouve bien que la désinformation et les théories du complot peuvent s’immiscer dans les décisions gouvernementales et que les médias sociaux sont le théâtre de la propagation de fausses informations devenant un véritable danger pour la santé publique. Les États-Unis en sont un exemple probant : malgré le nombre de cas de COVID-19 qui grimpe à un rythme effarant, le président Donald Trump continue de relayer de l’information qui contredit les recommandations des scientifiques et des experts. En comparaison, l’intervention du Canada a davantage reposé sur les recommandations de la santé publique et les cas au pays sont beaucoup moins nombreux, soit environ 120 000 cas au total contre plus de 5 millions chez nos voisins du sud.

Paradoxalement, ce succès que connaît le Canada peut représenter un obstacle pour convaincre certaines personnes de la gravité du virus. Puisque nous avons évité une situation catastrophique et réussi à aplatir la courbe, les mesures que l’on a imposées à la population canadienne peuvent sembler exagérées. Cette situation a créé ce que l’on appelle le « paradoxe de la prévention », selon lequel mieux nous réussissons à prévenir la propagation du virus, plus nous en venons à croire qu’il n’est pas une menace réelle.

Ainsi, convaincre les autres de l’efficacité de la prévention, et ce, même si les retombées positives se concrétisent, peut s’avérer extrêmement difficile. En 2013, une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) conclut que parmi les obstacles à la mise en place de mesures de prévention est le fait que « le succès de la prévention est invisible, manque de sensationnalisme, nécessite un changement de comportement à long terme et peut prendre un certain temps avant de se concrétiser ». La prévention demande un effort de groupe, une responsabilité individuelle et une pensée à long terme, se concluant par des effets positifs qui tardent souvent à se manifester et sont difficiles à mesurer.

Pour le Canada, les États-Unis font office de point de comparaison direct, qui met clairement en lumière les avantages de la prévention et du respect des mesures sanitaires. Malgré tout, les groupes conspirationnistes au Canada continuent d’attirer de nouveaux adeptes en diffusant quantité d’information inexacte, sans compter les cas de racisme et de stigmatisation de personnes en raison de leur origine ethnique et la publication d’affirmations mensongères sur la propagation, la gravité et les dangers de la COVID-19.

L’un de ces groupes, dénommé « Hugs Over Masks », a fait circuler une affiche au centre-ville de Toronto et sur les médias sociaux affirmant faussement que le port du masque était dangereux pour la santé. Des manifestations anti-masques se sont organisées à Montréal, à Winnipeg et dans d’autres villes au Canada. Alors que nous assistons à une course effrénée au vaccin, le scepticisme et la désinformation concernant la sécurité et l’efficacité des vaccins gagnent aussi en ampleur.

Les causes de la popularité grandissante des théories du complot sont complexes, mais un des facteurs notables est un profond manque de confiance envers les politiciens et les institutions gouvernementales, qui donne parfois dans une véritable paranoïa. La pandémie bouleverse nos vies de tous les jours et les politiques draconiennes que doivent adopter les gouvernements pour la contrer, notamment l’éloignement physique et les mesures de confinement, accentuent encore davantage cette perte de confiance.

Maya Goldenberg, professeure à l’Université de Guelph, a indiqué à CBC que les théories du complot entourant et le port du masque et les vaccins sont intimement liées à la confiance du public. « Lorsqu’une personne ne croit pas dans l’infrastructure fondamentale qui est supposée assurer le bien-être du public, elle trouvera toutes sortes de tactiques pour y résister », explique Mme Goldenberg.

Pour contrecarrer ces croyances dans les conspirations, les médecins et autres experts doivent faire preuve de patience et de respect lorsqu’ils s’adressent à des personnes mal informées. « Le meilleur moyen de mettre quelqu’un sur la défensive est de la dénigrer et de ne pas la prendre au sérieux », indique Mme Goldenberg. Créer un lien de confiance est un processus long et ardu, mais les interactions individuelles peuvent avoir un effet.

Si des amis ou des proches commencent à manifester de l’intérêt pour des idées conspirationnistes, il faut se rappeler que cette réaction en est souvent une de peur et d’insécurité; l’anxiété en réaction à une menace contre la vie est communément associée à des croyances dans les théories du complot. Discuter calmement avec nos proches en restant ancré dans les faits et poser des questions sur les sources de leur information peut aussi aider.

La désinformation est devenue un énorme obstacle dans la lutte contre la pandémie de COVID-19, mais il importe de continuer d’avoir ces conversations parfois difficiles sur l’exactitude et la fiabilité de l’information que nous consommons. Récemment, Theresa Tam, administratrice en chef de l’Agence de la santé publique du Canada, indique que l’éloignement physique et le port du masque pourraient se prolonger pour les deux ou trois prochaines années. Il sera donc crucial à l’avenir de bien communiquer de l’information exacte pour assurer notre succès à long terme.

La désinformation concernant l’origine, la propagation et le traitement du nouveau coronavirus s’est répandue comme une traînée de poudre dans les médias sociaux, et ce, dès les premiers jours de la pandémie. Un sondage réalisé en avril auprès de plus de 2 000 personnes indiquait qu’un Canadien sur cinq croyait que le gouvernement chinois avait créé le nouveau coronavirus en laboratoire, et que près d’une personne sur dix croyait que la pandémie n’était qu’un prétexte à Bill Gates pour implanter des micropuces aux gens. Bien sûr, aucune de ces affirmations n’est fondée, mais leur popularité a néanmoins explosé en ligne, notamment en raison de publications dans les médias sociaux accumulant d’innombrables mentions « J’aime » et partages.

Au début de la pandémie, avant que nous ayons accès à une abondance de recherches fiables et bien communiquées sur le virus, la circulation de la désinformation en ligne pouvait en quelque sorte être compréhensible. Or, les mois ont passé, les données et les recommandations de la santé publique se sont éclaircies, mais la désinformation, elle, continue tout de même de sévir. Cette situation soulève la question : pourquoi les théories du complot sont-elles toujours aussi populaires?

Mené par des chercheurs au moyen du Moniteur COVID-19 de Vox Pop Labs, le sondage d’avril dernier révèle que certains facteurs sont associés au fait de croire ou non aux théories du complot, en particulier, et de façon très importante, l’endroit où les répondant·e·s tendent à obtenir leur information. Les Canadiens qui recherchent leur information sur la COVID-19 dans les médias sociaux comme Facebook, Twitter, YouTube et Reddit sont plus susceptibles de croire aux conspirations que celles et ceux qui ne vont jamais sur de tels sites pour obtenir de l’information. Contrairement aux publications de nouvelles réputées, l’information partagée dans les médias sociaux n’est pas nécessairement fiable ni vérifiée, ce qui entraîne de la confusion pour les lecteur·trice·s et un risque accru de croire la désinformation.

Une étude publiée dans la revue Psychological Science met en lumière comment les médias sociaux façonnent nos croyances en créant un environnement numérique où le nombre élevé de mentions « J’aime » et de partages d’une publication détourne l’attention des gens, leur faisant oublier de vérifier l’exactitude même de ladite source. Lorsqu’une publication est très populaire en ligne, les lecteur·rice·s sont plus susceptibles de prendre pour acquis que le contenu est vrai, même s’il comporte de fausses informations.

La façon dont nos fils d’actualité sont configurés peut aussi jouer contre nous. L’étude indique en outre que puisque les fils d’actualité des médias sociaux présentent à la fois des publications qui requièrent une pensée critique pour en déterminer la véracité (comme les théories complotistes associées à la COVID-19) et du contenu ne nécessitant pas de réflexion particulière (par exemple, les photos de vacances de nos amis), « les utilisateur·trice·s sont amené·e·s à abaisser leur vigilance quant à l’exactitude du contenu » lorsqu’elles et ils sont en ligne.

S’ajoutent au problème des médias sociaux les agissements de politiciens comme Donald Trump, qui utilise les plateformes numériques à des fins politiques dangereuses. Trump a utilisé Twitter pour répandre des idées racistes entourant le coronavirus, y référant comme le « virus chinois », et ce, même si les Asio-américain·e·s subissaient de la discrimination, particulièrement aux premiers jours de la pandémie. Lorsqu’ont eu lieu les manifestations Black Lives Matter partout au pays, le président a utilisé sa plateforme pour cibler et démoniser les manisfestant·e·s. Plus récemment encore, Trump a publié sur Twitter une vidéo affirmant, sans preuve à ce jour, que l’hydroxychloroquine pouvait guérir la COVID-19.

Ces gazouillis ont un effet direct sur les partisan·e·s du président. Une étude de la Harvard Kennedy School Misinformation Review révèle que la base partisane de Trump considère le message du président sur le coronavirus comme une sorte de modèle de diffusion de l’information « de haut en bas ». « Trump a initialement banalisé la COVID-19 et les personnes qui se tournaient vers lui pour des conseils ont emboîté le pas de façon plus marquée que celles qui ne s’y fiaient pas », indique l’étude.

La politisation des recommandations de la santé publique, par exemple, le port du masque, a radicalement augmenté la désinformation aux États-Unis et, dans une moindre mesure, au Canada. Les divergences claires entre deux autorités distinctes – soit ce que disent le président et ses allié·e·s et ce que les expert·e·s en santé publique du monde entier affirment – rendent extrêmement difficile la discrimination entre la vraie et la fausse l’information. Les États-Unis – qui comptent actuellement le plus grand nombre de cas de COVID-19 que tout autre pays au monde – sont un exemple probant de ce qui se produit lorsque les théories du complot circulent sans entrave, s’immisçant dans les décisions politiques au niveau national.

Or, tout espoir n’est pas perdu. De nombreuses organisations luttent contre la désinformation relative à la COVID-19 en ligne par la vérification des faits, notamment Snopes, Politifact, le New York Times, le Washington Post et The Walrus. Par ailleurs, des experts affirment que des stratégies peuvent être adoptées par les médias sociaux pour réduire la propagation de la désinformation en ligne, par exemple en « incitant » les utilisateur·trice·s à vérifier la fiabilité des sources de la publication avant de partager.

Certains sites de médias sociaux comme Facebook et Twitter ont choisi d’ajouter des avertissements quant à l’exactitude de l’information pour certaines publications associées à la pandémie. Néanmoins, de nombreuses critiques soutiennent que ces efforts sont insuffisants puisque la désinformation demeure sur les plateformes, parfois même après avoir été déboulonnée par des groupes de vérification des faits.

À court terme, les perspectives de diminution de la désinformation en ligne sont malheureusement peu prometteuses. En présence d’un président américain lui-même personnellement signalé par Twitter pour avoir partagé de la fausse information à ses 84 millions d’abonné·e·s, les véritables solutions pour lutter contre la désinformation devront être bien plus vastes et ratisser beaucoup plus large que ce que nous avons vu jusqu’à présent. Alors que le nombre de cas de COVID-19 ne cesse d’augmenter dans le monde, trouver des moyens pour contrer ce fléau est littéralement une question de vie ou de mort.

En juin, la coalition Migrant Workers Alliance for Change (MWAC) a été contactée par un hôpital lui demandant de traduire des informations de l’anglais à l’espagnol pour un de ses patients, un travailleur agricole migrant qui était dans un état critique après avoir contracté la COVID-19. Dans un rapport récent, la MWAC décrivait la nécessité d’obtenir le consentement verbal de l’homme avant de le placer sous respirateur, qui a poussé l’hôpital à appeler la MWAC. Plutôt que de faire appel à un interprète médical qualifié, un médecin a tenté de communiquer des informations au patient en utilisant l’appli Google Translate sur son téléphone. « Lorsque nous avons parlé au travailleur pour l’informer de ses choix, et du fait qu’il était possible qu’il ne se réveille jamais, il a confirmé qu’aucun service d’interprétation ne lui avait été offert au cours des jours précédents, » mentionne le rapport.

Cet incident souligne à quel point il est indispensable d’avoir accès à des services de traduction dans les milieux de soin, particulièrement pendant la COVID-19. Sans un accès à des services de traduction et d’interprétation, les patient·e·s ne peuvent être informé·e·s adéquatement de leurs choix face à leur santé et ne peuvent fournir au personnel médical l’information dont il a besoin pour prodiguer le meilleur traitement possible.

Dans le sud-ouest de l’Ontario, où de nombreux·ses travailleur·euse·s agricoles provenant de pays hispanophones travaillent et vivent en promiscuité, d’importantes éclosions ont vu le jour dans plusieurs fermes en raison de conditions non sécuritaires et d’un accès aux soins inadéquat. En date du 1er juin, environ 18 pour cent de tous les cas de COVID-19 signalés dans le comté de Windsor-Essex étaient des travailleurs migrants. Malgré cela, la MWAC a continué de recevoir des plaintes de certains travailleurs qui ont affirmé ne pas avoir été en mesure d’avoir accès à des services de traduction en espagnol et en anglais.

Aux États-Unis, où la communauté hispanique a été particulièrement touchée par le virus, le besoin de traducteur·rice·s est d’autant plus important. Selon le CDC, les personnes d’origine d’origine hispanique et latine ont un taux d’hospitalisation quatre fois plus élevé que les personnes non hispaniques de race blanche en Amérique.

Bien que l’association entre les compétences linguistiques et la santé soit complexe, la recherche révèle que dans l’ensemble, il est possible d’établir un lien entre une adaptation linguistique inadéquate et de mauvais résultats en matière de santé. Une étude visant à faire le suivi de nouveaux immigrants dans de nombreux contextes entre 2000 et 2005 a révélé que ceux·elles dont la maîtrise des langues officielles demeurait limitée avaient une incidence plus grande d’être en mauvaise santé sur une période de quatre ans comparativement aux nouveaux·elles immigrant·e·s qui avaient une meilleure maîtrise linguistique.

D’autres facteurs interdépendants touchant les nouveaux immigrants, comme l’accès au logement et le niveau de scolarité étaient également associés aux résultats déclarés en matière de santé. Étant donné que le système de soins de santé canadien est conçu pour les anglophones et les francophones, les nouveaux immigrants peuvent être laissé·e·s pour compte, surtout pendant leurs premières années au Canada. Comme l’ont souligné les chercheurs, la maîtrise linguistique peut avoir une incidence directe sur la capacité d’un nouvel immigrant·e à obtenir des services de santé, et par conséquent se traduit par un état de santé autodéclaré plus faible.

La traduction médicale vise à combler cette lacune en matière de soins de santé en facilitant une communication fiable entre le personnel médical et les patients. Pendant une pandémie, lorsque le volume de personnes malades est accru et que l’état des patients positifs à la COVID-19 peut évoluer rapidement, les traducteurs médicaux sont particulièrement important·e·s pour veiller à ce que les patients puissent communiquer leurs symptômes et comprendre leurs diagnostics.

Comme l’a mentionné Natalya Mytareva, directrice générale de la US Certification Commission for Health Care Interpreters dans une entrevue accordée au magazine Time, « tout bon médecin ne l’est que dans la mesure où il est compris par le patient. » Même le meilleur traitement médical ne saurait être efficace sans une parfaite compréhension entre le patient et le médecin. « Si le médecin fonde son diagnostic sur une mauvaise information parce qu’il n’a pas d’interprète, que vaut ce médecin? » affirme Mytareva.

Comme les hôpitaux continuent d’adopter des mesures de distanciation physique, les membres de la famille ou les ami·e·s des personnes ne maîtrisant pas les langues officielles sont dans l’incapacité d’accompagner leur proche à l’hôpital. Bien que dans un monde idéal les patient·e·s ne devraient pas devoir compter sur l’aide des membres de la famille pour assurer la traduction, l’absence de ceux-ci dans les milieux de soin n’a fait qu’accroître la demande d’interprètes.

Parallèlement, la capacité des interprètes à faire leur travail est freinée pendant la COVID-19. De nombreux interprètes médicaux·ales sont maintenant forcés de faire leur travail par téléphone plutôt qu’en personne, ce qui peut nuire à la qualité de la traduction qu’ils·elles peuvent offrir aux patient·e·s, notamment par leur aptitude à détecter les signes non verbaux présents pendant une conversation. Certain·e·s interprètes ont également décrit le traumatisme lié à l’exercice de leurs fonctions pendant la COVID-19, surtout lorsqu’ils·elles font eux-mêmes partie des communautés les plus touchées par le virus.

Alors que la pandémie se prolonge, les gouvernements devraient s’assurer que personne au pays n’est laissé·e pour compte lorsqu’il est question d’avoir accès à des services essentiels. Et ces services essentiels ne se limitent pas nécessairement au secteur des soins de santé. Les travailleurs migrants illégaux qui craignent les enjeux juridiques doivent être informés qu’ils ont accès à des soins de santé s’ils contractent le COVID-19; les nouveaux Canadien qui manifestent depuis peu contre le racisme et la violence policière devraient être informés de leurs droits légaux s’ils sont arrêtés; et les Canadiens aux compétences linguistiques limitées ne devraient pas faire partie des quelques 3 pour cent des travailleur·euse·s qui ne savaient pas qu’ils·elles·étaient admissibles à la Prestation canadienne d’urgence.

Bien que l’offre de services de traduction ne puisse pas réparer toutes les injustices systémiques auxquelles font face les communautés racialisées, dont bon nombre peuvent être d’origine immigrante et avoir une maîtrise limitée de l’anglais, elle est essentielle pour veiller à ce que chacun puisse recevoir les services dont il a besoin.

Dans un sondage récent mené par l’ICC et Léger, les répondants ont dû répondre à la question suivante : « Si on compare à la période précédant la COVID-19, vous sentez-vous plus ou moins liés à votre famille, à vos amis, à vos collègues, à vos voisins, à votre communauté, à votre ville, à votre province, à votre pays? » Les réponses ont été mitigées. Dans l’ensemble, 29 % des Canadiens ont déclaré qu’ils se sentaient plus proches de leur famille, mais également moins proches de leurs ami·e·s et de leur communauté au sens large depuis le début de la COVID-19.

Ces résultats ont du sens, car un plus grand nombre de personnes restent à l’intérieur, passent plus de temps avec leur famille, et interagissent moins avec l’extérieur. Mais ils semblent également suggérer que la pandémie de COVID-19 a affaibli les liens sociaux qui unissent les Canadiens entre eux·elles, ce qui pourrait laisser des traces à long terme non seulement sur les individus, mais sur la société dans son ensemble.

Dans son livre Bowling Alone : The Collapse and Revival of American Community, le politologue Robert D. Putnam, de Harvard, emploie le terme « capital social » pour décrire le processus par lequel des réseaux de personnes travaillent ensemble pour atteindre des objectifs communs ou poursuivre des intérêts communs. Putnam soutient que notre capacité et notre volonté de nous rassembler en groupes peuvent avoir un effet sur des choses comme l’engagement civique et la participation démocratique. Se rassembler est un moyen de créer la confiance, de renforcer les liens sociaux et de faire progresser les besoins de la communauté. Cela peut inclure la participation de groupes à des activités aussi diverses que les organisations de parents d’élèves, les églises ou les troupes de scouts.

Selon certaines mesures, le Canada s’en sort relativement bien dans ce domaine. Avant le début de la pandémie, un rapport de 2019 de la Banque mondiale a révélé que le Canada a fait bonne figure au chapitre du capital social par rapport à d’autres pays. Et les données de 2013 de Statistique Canada ont révélé que le capital social était demeuré relativement stable entre 2003 et 2013, 65 % des Canadiens ayant participé en tant que membres d’un groupe, d’une organisation ou d’une association, et près de la moitié ayant participé à des activités de groupe au moins une fois par mois.

Parallèlement, d’autres recherches ont montré que la solitude s’est accrue au Canada et que le taux de participation aux élections a également diminué depuis les années 1970, ce qui laisse entendre que les liens sociaux et l’engagement civique ne sont pas aussi forts qu’ils pourraient l’être.

En ce qui concerne la COVID-19, le capital social existant peut être un atout important pour les individus et les communautés. Des recherches ont montré qu’il est particulièrement bénéfique lors des catastrophes, car les réseaux sociaux deviennent plus importants lorsque nos vies sont mises à rude épreuve par des difficultés économiques, des maladies ou des perturbations généralisées.

Les récentes protestations peuvent indiquer un changement positif en ce qui concerne le capital social au Canada, puisque des milliers de personnes se sont rassemblées d’un océan à l’autre pour poursuivre l’objectif commun de combattre le racisme, la discrimination systémique et la violence policière. Malgré les risques associés au rassemblement de grands groupes pendant une pandémie, l’Organisation mondiale de la santé a apporté son soutien aux protestations. De nombreux responsables de la santé publique ont reconnu que les manifestations représentent une forme « essentielle » de rassemblement public. Elles sont directement liées au racisme structurel qui expose les groupes noirs, autochtones et racialisés à un risque accru pendant la pandémie, ce qui entraîne des taux nettement plus élevés d’infection et de décès liés à la COVID-19 dans ces communautés.

Ainsi, le capital social est à la fois tendu et plus ciblé en ce moment particulier, car les gens sont obligés de regarder les inégalités déjà présentes dans leur pays continuer à s’accroître. Frank Roberts, professeur à l’université de New York et expert des mouvements sociaux américains comme Black Lives Matter a déclaré à la BBC: « Vous avez une situation où tout le pays est en confinement et plus de gens sont à l’intérieur en train de regarder la télévision… plus de gens sont obligés de prêter attention – ils sont moins capables de détourner le regard,ils ont moins de distractions ». Dans un certain sens, c’est exactement ce dont il s’agit : détourner l’attention des individus pour la porter sur les systèmes sociaux et les besoins des groupes.

Une autre question posée dans le sondage ICC/Léger était de savoir si les Canadien·ne·s croyaient que la crise COVID-19 allait « rapprocher les diverses communautés du Canada ». Le sondage a révélé que les Canadiens étaient plus nombreux·ses à penser que la crise rassemblerait des communautés diverses (43 %) que ceux qui ne le pensaient pas (32 %), les autres se déclarant incertains. Les Canadiens de couleur étaient plus souvent d’accord avec cette affirmation que les Canadiens blancs, et les jeunes Canadiens étaient plus optimistes que les Canadiens plus âgés.

Les protestations répandues de St. John’s à Vancouver en faveur des mesures antiracistes peuvent être considérées comme une indication positive que le désir de se réunir pour poursuivre des objectifs communs reste fort chez les Canadiens. En attendant, grâce à des mesures de distanciation physique et à une forte adhésion aux règles de fermeture, les Canadiens ont réussi à aplatir la courbe des infections à la COVID-19 et le nombre de nouveaux cas dans le pays reste relativement faible.

Dans les mois – et peut-être les années – à venir, les communautés seront probablement confrontées à des défis encore plus importants, car les retombées économiques et les perturbations de notre vie quotidienne se poursuivent. Mais si les derniers mois sont une indication, nous avons de bonnes raisons d’espérer en ce qui concerne l’état du capital social au Canada.

En prévision de la fête du Canada, nous avons passé une entrevue avec Joy Abasta, une nouvelle citoyenne canadienne originaire des Philippines, à propos de ce que la fête du Canada représente pour elle et de ce qu’elle a prévu pour souligner cette journée.

Cette entrevue a été modifiée pour des raisons de clarté et de longueur.

L’Institut pour la citoyenneté Canadienne : Comment prévoyez-vous célébrer la fête du Canada?
Joy Abasta: J’y ai beaucoup réfléchi, parce que la Journée nationale des peuples autochtones est célébrée le 21 juin et que c’est très proche de la fête du Canada, qui a lieu le 1er juillet. Avant, je célébrais toujours la fête du Canada, parce pour moi en tant qu’immigrante, c’est finalement l’occasion de célébrer avec les Canadiens. Je suis ici et tout le monde est libre. Nous essayons tous d’être justes et polis et nous sommes reconnus ailleurs dans le monde comme étant des gens sympathiques, qui disent toujours « merci » et « désolé·e ».  Mais lorsque j’ai commencé l’école en septembre 2019 et que je me suis plongée dans les études autochtones, j’ai réalisé que l’histoire du Canada avait un côté particulièrement sombre. Maintenant, je suis un peu partagée.

Mon conjoint et moi en parlions juste ce matin… nous nous sommes demandé comment nous pouvions célébrer à la fois la culture autochtone et le Canada comme tel. Il a alors dit : « Oh, tu sais quoi? Nous pouvons aller faire un tour à Squamish puisqu’il y a aussi beaucoup d’histoire là bas.  Puis, nous pourrons chercher des œuvres d’art autochtones, partir en randonnée et bien d’autres choses ». En plus, il y a une appli qui a été créée par le Dr Rudy Reimer, elle s’appelle Ímesh. Il suffit de l’ouvrir pour savoir sur quel territoire on est lorsqu’on se promène. Elle donne le nom de l’endroit et à quoi il sert, pour la cueillette de petits fruits ou pour la pêche et d’autres choses encore. C’est donc ce que nous allons probablement faire.

Qu’est-ce qui vous a poussée à vouloir découvrir les cultures et les communautés autochtones?
J’ai emménagé ici en 2014, et à l’époque, je ne savais rien de la culture autochtone. J’ai commencé à faire du bénévolat pour différents organismes et en 2016, j’ai travaillé comme bénévole au Centre de maintien de l’ordre communautaire de Vancouver, dans la partie ouest. Tout le monde parlait de la Marche de la réconciliation. Je me suis donc inscrite parce que j’avais besoin des heures de bénévolat pour le mois, puis j’ai réalisé que c’était pour les communautés autochtones. Je pense que c’est à ce moment-là que tout a véritablement commencé pour moi, cela a amorcer les discussions et a attisé ma curiosité.

Avant d’emménager ici, j’avais entendu dire tellement de bien à propos du Canada, comme « C’est mieux que les États-Unis parce qu’il y a des soins de santé ». Quand j’ai débarqué ici et que j’ai vu ce que je faisais au centre de maintien de l’ordre, j’ai été constaté ce qui s’était passé dans les communautés autochtones et ce qui leur était arrivé – l’assimilation, le génocide. C’était horrible. C’est toujours difficile d’en parler, même avec mes élèves à l’école, parce que moi aussi, je découvre tout cela. Pourtant, nous devons tous parler de ces moments difficiles. Depuis lors, chaque fois que je pars à la découverte d’une nouvelle ville au Canada, j’essaie de me faire un devoir d’aller voir s’il y a une œuvre d’art autochtone, peut-être un musée, ou quelque chose qui met en valeur l’histoire des communautés autochtones qui y vivent.

Qu’est-ce qui vous pousse à vouloir encore en apprendre davantage?
Je vois des similitudes entre ce qui s’est passé au Canada et ce qui s’est passé aux Philippines. Les Philippines ont aussi été colonisées, par les Espagnols. Aux Philippines, j’ai toujours entendu parler de la colonisation, mais c’est tout. Je n’ai pas réalisé le poids de ce mot, jusqu’à ce que j’emménage ici et que je réalise ce qui s’était passé pendant la colonisation et ce qui était arrivé aux peuples autochtones du Canada. Le Canada est mon pays et peut-être que je fais de la projection, mais je veux aussi être une alliée des populations autochtones. Je ne pourrai jamais ressentir le traumatisme qu’ils ont vécu, mais comme étudiante en santé publique, et je l’espère, comme fonctionnaire de la santé publique plus tard, je pense qu’il est vraiment important pour ma carrière de toujours penser aux personnes noires, autochtones et de couleur. Ici à Vancouver, ou en Colombie-Britannique, on en parle encore beaucoup. J’ai donc voulu devenir une alliée pour essayer de creuser davantage et amener les gens autour de moi à réfléchir à ce qui se passe autour de nous. La plupart du temps, les gens peuvent ignorer ce qui arrive aux autres autour d’eux, en particulier si ces autres ne sont pas de culture ou d’origine semblable.

Comment avez-vous découvert les communautés et les cultures autochtones?
Si je vais quelque part, comme à Whistler, je visiterai toujours les musées qui présentent l’histoire et la culture autochtones. Je crois que les musées ont été ma première ressource pour découvrir les populations autochtones. Puis, j’ai commencé l’école en septembre 2019, je le dois aux professeurs et aux superviseurs que j’ai eus, parce que je suis également un AE [aide-enseignante] en études autochtones.  Dre Joyce Schneider, Dr Rudy Reimer et Dre Madeline Knickerbocker en savent beaucoup sur les études autochtones. Les Dres Rudy et Joyce sont membres de la communauté autochtone et Madeline est une blanche qui travaille depuis environ 10 ans sur les communautés Stó:lō en Colombie-Britannique. Je suis vraiment contente de les connaître.

En quoi est-ce que célébrer les cultures autochtones fait partie de la célébration de la fête du Canada? En quoi est-ce que cela n’en fait pas partie?
Nous devons célébrer la culture autochtone ainsi que les peuples et les communautés autochtones le jour de la fête du Canada. Je ne sais pas si le terme « célébrer » est adéquat, mais il faut simplement reconnaître qu’ils étaient ici les premiers, depuis au moins 12 000 ans avant l’arrivée des colons blancs ou des colonisateurs. À quoi servent la réconciliation et les autres actes de décolonisation que nous posons chaque jour si nous ne pouvons faire de la fête du Canada une célébration qui vaut la peine?

Comment êtes-vous restée en contact avec la culture et l’art autochtones pendant la pandémie?
Cela a été dur, c’est certain. Il existe une tonne de ressources en ligne et j’ai eu la chance d’être encore AE, de sorte que je me sens encore liée à mon soutien aux populations autochtones. Ce que j’ai fait cet été, jusqu’à présent, c’est d’apprendre à prononcer des mots ou des termes précis dans une langue autochtone. Je crois qu’il y a plus de 600 langues autochtones au Canada, mais ici à Vancouver, la langue principale est le hul’q’umi’num’. J’essaie d’apprendre à dire « bonjour » et « merci », vous savez, des mots de base dans leur langue. Les langues autochtones sont en train de mourir; peu de peuples autochtones savoir les parler, en raison de la colonisation et de l’assimilation. Donc, moi, je veux juste essayer de faire un effort pour apprendre ces mots courants, parce que la langue fait vraiment partie intégrante de la culture de chacun.