La réouverture des écoles met en lumière des inégalités relatives à la COVID-19

Sejla Rizvic

04.09.2020

Au terme de ce long et tumultueux été de pandémie, la rentrée en classe se déroule maintenant partout au pays. Jusqu’à maintenant, les lignes directrices du gouvernement fédéral pour une réouverture sécuritaire des écoles sont assez floues et les mesures prises par les écoles varient énormément entre les provinces. Par exemple, en Saskatchewan, le port du masque n’est pas imposé alors que dans les régions à plus haut risque en Ontario, le port du masque sera obligatoire pour les élèves de la quatrième à la douzième année et les élèves du secondaire ne seront physiquement en classe que la moitié de la semaine.

Ces différences entre les provinces sont logiques étant donné la gravité variable des éclosions dans les différentes régions du pays, mais la stratégie globale du Canada ne permet pas de contrer la menace que présente le virus. En ne tenant pas compte des risques bien réels auxquels font face les enfants et les communautés dans lesquelles ils vivent, l’absence de règles claires pourrait mettre en péril la santé publique et exacerber les inégalités existantes.

Contrairement à la désinformation véhiculée en ligne, les enfants et les adolescents ne sont pas immunisés contre la COVID-19. Au Canada, plus de 10 000 jeunes âgés de 19 ans ou moins ont reçu un diagnostic de la maladie et plus de 145 jeunes de ce groupe ont été hospitalisés. Jusqu’à maintenant, un jeune (dont l’âge exact n’a pas été dévoilé) est mort de la maladie.

Comme nous avons pu le constater tout au long de la pandémie, le racisme systémique a des répercussions importantes quant aux groupes qui sont le plus touchés par la COVID-19, notamment les PANDC et les autres communautés racialisées. Par ailleurs, ces inégalités existent aussi parmi les enfants. Une étude effectuée auprès de 1 000 volontaires à Washington, DC, conclut que le taux d’infection des enfants noir·e·s et hispaniques était plusieurs fois supérieur à celui des enfants blanc·che·s,soit 30 pour cent chez les enfants noir·e·s, 46,4 pour cent chez les enfants hispaniques et seulement 7,3 pour cent chez les enfants blanc·che·s.

Même si le taux de cas graves observé chez les enfants au Canada est relativement faible, il faut se rappeler que les cas que nous avons constatés jusqu’à maintenant sont demeurés gérables en raison des mesures de confinement et de la fermeture précoce des écoles. L’évolution de ces chiffres lorsque les écoles seront rouvertes demeure incertaine, mais les premières données des États-Unis et d’autres pays ne sont pas encourageantes.

Chez nos voisins du sud où, dans certains États, l’école a repris en août, un certain nombre de cas de COVID-19 ont été observés dans les écoles, ce qui a forcé des milliers d’élèves et de membres du personnel à rester en quarantaine après avoir été potentiellement exposés au virus. Le véritable nombre de cas est toujours inconnu, essentiellement parce que certains États ne comptabilisent actuellement pas les cas cumulés de COVID-19 dans leurs écoles, et qu’aucun compte des éclosions dans les écoles à l’échelle nationale n’est effectué.

Non seulement les enfants peuvent contracter le virus, mais ils peuvent aussi le transmettre à leur famille à la maison et potentiellement créer des grappes de transmission. Une étude menée en Corée du Sud conclut que les jeunes âgé·e·s entre 10 et 19 ans étaient aussi susceptibles de transmettre le virus que les adultes. Ainsi, même si le risque de tomber gravement malade est faible parmi les jeunes, elles et ils peuvent quand même mettre les adultes à risque de contracter une forme sévère de la COVID-19.

Les enseignant·e·s et les autres travailleur·euse·s sous-payé·e·s et sous-protégé·e·s deviennent aussi vulnérables avec la réouverture des écoles, et certain·e·s élèvent leur voix pour signifier leur peur et leur frustration relativement au manque actuel de planification du gouvernement. Une enseignante québécoise confiait à CTV : « Plusieurs d’entre nous craignent de montrer à quel point nous avons peur… Nous devons paraître braves et faire sentir les jeunes en sécurité. Mais lorsque nous nous retrouvons seuls ou en parlons entre nous, la vérité est que oui, ça fait peur d’être ici ».

En revanche, passer à un enseignement exclusivement à distance risquerait d’avoir des répercussions négatives importantes sur les enfants marginalisés qui vivent déjà des inégalités en éducation. Les familles à faible revenu pourraient ne pas être en mesure de se procurer la technologie ou l’accès Internet nécessaire pour assurer l’apprentissage à distance, et, dans certains cas, il pourrait s’avérer impossible pour certaines familles d’offrir un milieu calme et sans distraction en raison du manque d’espace à la maison. Si les enfants devaient suivre leur cours à distance, les parents qui ne peuvent se permettre des frais de gardiennage seraient forcés de jongler avec cette nouvelle responsabilité en plus de leur travail.

Dans certains endroits – la plupart du temps, dans des milieux circonscrits essentiellement blancs des États-Unis –, des « microécoles » ont vu le jour : des familles regroupent leurs enfants en petits groupes pour recevoir un enseignement privé en personne. Or, les familles à faible revenu et les PANDC ont été exclus de la discussion jusqu’à maintenant.

En matière d’éducation, le statut économique constitue déjà un facteur d’inégalité au pays. Un rapport de 2018 préparé par l’UNICEF indique qu’au Canada, « la richesse des parents explique près de la moitié des écarts dans les résultats scolaires au secondaire ». Les preuves révèlent que les enfants de ménages à faible revenu sont nettement désavantagés lorsqu’ils commencent l’école, alors que les enfants de familles plus aisées ont accès à plus de ressources, ce qui se traduit directement par des résultats plus élevés.

« Les inégalités de revenu engendrent un “déficit d’investissement privé” dans l’enfance, les parents plus riches et plus instruits étant mieux à même de procurer des ressources et des environnements propices au développement des enfants pendant leurs années de scolarité », indique le rapport. « une plus grande sécurité alimentaire, des maisons et des quartiers plus sûrs, une aide pour les enfants vivant avec un handicap, ainsi que des possibilités plus riches de jouer et d’apprendre, tant à l’école qu’en dehors, en sont de bons exemples ». La pandémie de COVID-19 montre clairement que les inégalités pourraient s’aggraver, ce qui creuserait encore plus l’écart entre les enfants de ménages à faible revenu ou de communautés marginalisées et leurs pairs plus aisés.

Il n’existe pas de solution miracle à ce problème, d’autant plus que les gouvernements tentent actuellement de gérer à la fois les risques pour la santé et la sécurité de l’enseignement en personne dans les écoles et les inégalités créées par l’enseignement à distance. Cependant, si aucune mesure n’est prise pour réduire ces inégalités associées au revenu, à l’origine ethnique et au statut d’immigration, les écarts dans le nombre de cas d’infection à la COVID-19 et les conséquences à long terme sur la santé et l’éducation des jeunes risquent de prendre encore plus d’ampleur.

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