La COVID-19 a mis en lumière certaines des inégalités flagrantes qui existent au Canada en matière d’accès aux soins de santé. Les disparités qui caractérisent les déterminants sociaux de la santé comme le logement, l’alimentation, l’éducation et les niveaux de revenu empêchent la mise en place d’un système de soins de santé véritablement équitable. Parmi les personnes les plus touchées par ces inégalités comptent les Canadiens et Canadiennes racialisés, notamment les Noirs et les Autochtones.
Même lorsque les PANDC peuvent accéder aux soins dont ils ont besoin, ils se heurtent à un autre obstacle : le racisme ancré dans le système de santé, lié à un passé colonial, qui a des répercussions significatives sur le diagnostic, le traitement et la qualité des soins qu’elles reçoivent.
On n’a qu’à penser à la série d’incidents en Colombie-Britannique, signalés pour la première fois en juin dernier, impliquant des médecins et infirmières qui se sont livré à un « jeu » pour deviner le taux d’alcool dans le sang des patients autochtones reçus aux urgences. Ces situations ont entraîné l’ouverture d’une enquête et une condamnation de la part des groupes autochtones. Calqué sur l’émission télévisée « The Price is Right », le jeu consistait pour les participants, en l’occurrence le personnel soignant, à essayer de deviner le taux d’alcool exact des patients.
Un autre exemple est celui du décès en 2008 de Brian Sinclair, un Autochtone arrivé aux urgences d’un hôpital de Winnipeg, où il a été ignoré par le personnel pendant 34 heures jusqu’à ce qu’il finisse par succomber à une infection urinaire. Des employés de l’hôpital ont déclaré qu’ils pensaient que Brian Sinclair était ivre et qu’il « se reposait » dans la salle d’attente. En 2017, un groupe de médecins et d’universitaires a publié un rapport concluant que la mort de M. Sinclair était attribuable au racisme dont il a été victime en tant qu’Autochtone.
Ce ne sont là que deux des nombreux exemples de racisme antiautochtone enraciné dans notre système de santé et qui empêche les Autochtones d’accéder à des soins équitables. C’est ce racisme qui fait hésiter certains patients autochtones à se rendre dans une clinique ou à l’hôpital. D’ailleurs, un rapport de l’Institut Wellesley de 2015 a révélé que le racisme dans le système de santé « est si omniprésent que les gens élaborent des stratégies pour se prémunir contre le racisme avant de se rendre aux urgences ou, dans certains cas, évitent tout simplement de se faire soigner. »
Pour résoudre le problème du racisme ancré dans le système de santé, il faut, entre autres, accroître la diversité dans la profession médicale, notamment en faveur des médecins noirs et autochtones. Les écoles de médecine ont mis du temps avant de faire de la diversité une priorité, mais en 2019, les 17 écoles de médecine du Canada ont mis en œuvre un plan pour stimuler le recrutement d’étudiants autochtones en réponse aux appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation.
Les Canadiens et Canadiennes noirs déclarent également être victimes de racisme dans le système de santé, et ne se sont jamais vus représentés parmi les médecins qui leur prodiguent des soins. Toutefois, des signes de changement existent : l’Université de Toronto rapporte un nombre record d’étudiants noirs admis au programme de médecine générale de sa Faculté de médecine pour le trimestre d’automne 2020.
« Il est important d’avoir plus de médecins noirs, car nous ne participons pas à la communauté médicale à la hauteur de notre poids démographique . Nous ne sommes pas représentés dans les soins de santé ou dans les équipes de direction dans les mêmes proportions que dans la société, principalement en raison des répercussions sociales complexes du racisme antinoir systémique », a déclaré dans une entrevue récente Onye Nnorom, médecin de famille et cheffe du dossier de la santé des Noirs à la Faculté de médecine de l’Université de Toronto. « Il faut faire plus : le nombre de médecins noirs en Ontario devra doubler pour être proportionnel à la population noire de la province », a-t-elle ajouté.
Selon l’organisme Black Physicians of Canada, la diversité dans la profession médicale a également pour effet de mieux servir les populations noires, car « les patients noirs sont plus susceptibles de se sentir à l’aise avec des médecins noirs et plus enclins à observer certaines mesures préventives prescrites par des médecins noirs ». Les médecins noirs sont également plus enclins à travailler dans les communautés noires, où les taux de certaines maladies chroniques ont tendance à être plus élevés et où les obstacles aux soins sont plus importants.
En même temps, les médecins noirs et autochtones, contrairement aux autres médecins, peuvent faire face à plusieurs obstacles, notamment les préjugés sur le lieu de travail, le manque de possibilités de mentorat et les obstacles à l’avancement – autant de facteurs susceptibles de rendre la pratique de la médecine plus difficile.
La résolution du problème du racisme dans le système de santé nécessitera une approche pluridimensionnelle et globale. D’autres solutions pourraient consister à améliorer la collecte de données fondées sur la race, à permettre aux médecins ayant une formation médicale étrangère d’obtenir un permis de travail au Canada, et à sensibiliser les personnes travaillant dans le domaine médical à l’histoire complexe de la colonisation au Canada. Pour un avenir véritablement équitable, même après la pandémie de la COVID-19, le Canada devra accepter ces changements et s’engager à adopter des pratiques antiracistes dans son système de santé à tous les niveaux.