La pandémie de COVID-19 a contraint plusieurs Canadiens à réfléchir sérieusement à quelques conditions de vie tenues pour acquises, notamment disposer d’un endroit sécuritaire où se réfugier, de l’accès aux services de soins de santé et même de la possibilité de se procurer des aliments sains étant donné la pénurie de denrées attribuable aux achats effectués sous l’emprise de la panique au début de la pandémie.
Selon de récents rapports, malgré la stabilité des chaînes d’approvisionnement alimentaire et le réapprovisionnement des tablettes jusqu’à présent, nombre de Canadiens peineront à acheter de la nourriture puisque le problème de l’insécurité alimentaire s’amplifiera. Certes, l’enjeu des personnes ne mangeant existe depuis toujours au Canada, mais le nombre de celles-ci en ce contexte de pandémie de COVID-19.
Statistique Canada a remarqué dans une étude menée en mai que près d’un Canadien sur sept a déclaré vivre une situation d’insécurité alimentaire à la maison, ce qui représente une augmentation comparativement à une personne sur huit entre 2017 et 2018, soit avant la pandémie. Santé Canada définit l’insécurité alimentaire comme suit : « […] l’incapacité de se procurer ou de consommer des aliments de qualité, ou en quantité suffisante […] [et elle] est souvent liée à une incapacité financière d’assurer une alimentation adéquate. »
Le problème de l’insécurité alimentaire connexe à la COVID-19 pourrait s’amplifier. En effet, les spécialistes affirment que le prix des aliments est susceptible de connaître une autre hausse vu que les coûts inhérents à la pandémie (p. ex. les EPI et les mesures de distanciation physique) obligent les fournisseurs de produits alimentaires à gonfler leurs prix.
En fait, à l’avenant de bien d’autres répercussions de la pandémie, l’insécurité alimentaire touchera le durement, entre autres, les groupes racialisés et les ménages à faibles revenus. Au Canada, les ménages noirs courent trois fois plus de risques de vivre dans l’insécurité alimentaire que les ménages blancs. En outre, d’après l’Étude sur l’Alimentation, la Nutrition et l’Environnement chez les Premières Nations de 2019, près de la moitié des familles des Premières Nations au Canada peinent à se nourrir assez.
Les nouveaux arrivants au Canada se trouvent également en situation de vulnérabilité. D’ailleurs, une étude de 2019 portant sur la présence du phénomène de l’insécurité alimentaire au sein des nouveaux immigrants et les enfants réfugiés en Saskatchewan a révélé que la moitié de ces ménages luttaient contre l’insécurité alimentaire. En général, les sources des difficultés éprouvées par ces nouvelles familles arrivantes comprenaient les niveaux de faible revenu, les dépenses connexes aux médicaments sur ordonnance et aux produits d’hygiène qui amputaient le budget alloué à la nourriture de même que l’obligation de rembourser les prêts de transport consentis par le gouvernement couvrant le voyage des réfugiés depuis l’étranger jusqu’au Canada.
À présent, l’incidence économique de la COVID-19, ressentie par l’ensemble de la population canadienne, pourrait ébranler gravement la sécurité alimentaire d’un bout à l’autre du pays. Les données de Statistique Canada démontrent que les Canadiens se retrouvant sans travail en raison de la fermeture d’entreprise ou d’une mise à pied sont plus susceptibles à faire face à une situation d’insécurité alimentaire que leurs compatriotes qui occupent actuellement un emploi. En juin, le taux de chômage se chiffrait à 12,7 % au pays, accusant ainsi une légère baisse après avoir atteint un niveau record de 13,7 % en mai.
Un sondage du Groupe Banque TD publié en juillet révèle que les communautés de PANDC sont les parmi plus susceptibles de connaître l’insécurité financière à cause de la COVID-19. En 2019, le taux de chômage recensé auprès des immigrant•e•s habitant au Canada depuis moins de cinq ans était quatre fois plus élevé que celui chez les personnes nées au Canada. Ces données laissent croire que les nouv•eaux•elles immigrant•e•s pourraient devoir affronter des obstacles supplémentaires quant à la recherche d’emploi durant la pandémie.
Bien que les versements de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) ont contribué à alléger dans une certaine mesure le fardeau économique pesant sur les familles au Canada, de nombreuses personnes n’y ont pas droit. Une analyse réalisée par le Centre Canadien de politiques alternatives dévoile que plus de 800 000 personnes sans emploi au Canada ne seraient pas admissibles ni à la PCU ni aux prestations d’assurance-emploi. De plus, le retrait progressif de la PCU à l’automne expose un nombre accru de familles au risque de se trouver en situation d’insécurité alimentaire.
Au début de la pandémie, le premier ministre Justin Trudeau a promis un soutien de 100 millions de dollars aux banques et organisations alimentaires d’un bout à l’autre du pays afin de pallier l’insécurité alimentaire au Canada. En 2019, les banques alimentaires ont reçu 1,1 million de visites partout au Canada. Selon le Bilan-Faim 2016, les immigrants et les réfugiés représentent 13 % des personnes qui reçoivent une aide des banques alimentaires.
Cependant, les banques alimentaires ne consistent qu’une solution à court terme. En réalité, les spécialistes affirment que les données démontrent que ces organisations ne règleront pas définitivement le problème de la faim au Canada. Valerie Tarasuk et Lynn McIntyre, chercheuses au sein du programme de recherche en sécurité alimentaire PROOF, soutiennent que la prestation d’un revenu de base directement aux personnes, et non la dépendance envers les banques alimentaires, constitue le meilleur moyen de s’attaquer au problème.
En refusant de se préoccuper de l’ensemble des aspects de l’insécurité alimentaire au Canada, les gouvernements compromettent la santé et le bien-être des Canadiens, surtout les communautés vulnérables de PANDC et des nouveaux immigrants. L’insécurité alimentaire entraîne de graves problèmes de santé et on répertorie, entre autres, des taux élevés d’anémie ferriprive, d’hypertension artérielle et de diabète chez les personnes touchées par cet enjeu. Aussi, l’insécurité alimentaire engendre de des coûts élevés liés aux soins de santé et, dans les cas les plus graves, une réduction de l’espérance de vie de neuf ans.
D’après Tarasuk et McIntyre, il faut éliminer la cause profonde de l’enjeu en fournissant davantage de soutien financier directement à la population canadienne. Et puis s’affairer à la tâche le plus rapidement possible au fur à et à mesure que la pandémie se poursuit. Dans leur article pour Options Politiques, elles ont précisé : « L’absence de mesures efficaces pour remédier aux difficultés supplémentaires découlant de la COVID-19 plongera davantage de personnes dans l’insécurité alimentaire et aggravera les niveaux de défavorisation. » « Par conséquent, il importe d’adopter des mesures efficaces maintenant. »