La pandémie de COVID-19 prouve bien que la désinformation et les théories du complot peuvent s’immiscer dans les décisions gouvernementales et que les médias sociaux sont le théâtre de la propagation de fausses informations devenant un véritable danger pour la santé publique. Les États-Unis en sont un exemple probant : malgré le nombre de cas de COVID-19 qui grimpe à un rythme effarant, le président Donald Trump continue de relayer de l’information qui contredit les recommandations des scientifiques et des experts. En comparaison, l’intervention du Canada a davantage reposé sur les recommandations de la santé publique et les cas au pays sont beaucoup moins nombreux, soit environ 120 000 cas au total contre plus de 5 millions chez nos voisins du sud.
Paradoxalement, ce succès que connaît le Canada peut représenter un obstacle pour convaincre certaines personnes de la gravité du virus. Puisque nous avons évité une situation catastrophique et réussi à aplatir la courbe, les mesures que l’on a imposées à la population canadienne peuvent sembler exagérées. Cette situation a créé ce que l’on appelle le « paradoxe de la prévention », selon lequel mieux nous réussissons à prévenir la propagation du virus, plus nous en venons à croire qu’il n’est pas une menace réelle.
Ainsi, convaincre les autres de l’efficacité de la prévention, et ce, même si les retombées positives se concrétisent, peut s’avérer extrêmement difficile. En 2013, une étude publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA) conclut que parmi les obstacles à la mise en place de mesures de prévention est le fait que « le succès de la prévention est invisible, manque de sensationnalisme, nécessite un changement de comportement à long terme et peut prendre un certain temps avant de se concrétiser ». La prévention demande un effort de groupe, une responsabilité individuelle et une pensée à long terme, se concluant par des effets positifs qui tardent souvent à se manifester et sont difficiles à mesurer.
Pour le Canada, les États-Unis font office de point de comparaison direct, qui met clairement en lumière les avantages de la prévention et du respect des mesures sanitaires. Malgré tout, les groupes conspirationnistes au Canada continuent d’attirer de nouveaux adeptes en diffusant quantité d’information inexacte, sans compter les cas de racisme et de stigmatisation de personnes en raison de leur origine ethnique et la publication d’affirmations mensongères sur la propagation, la gravité et les dangers de la COVID-19.
L’un de ces groupes, dénommé « Hugs Over Masks », a fait circuler une affiche au centre-ville de Toronto et sur les médias sociaux affirmant faussement que le port du masque était dangereux pour la santé. Des manifestations anti-masques se sont organisées à Montréal, à Winnipeg et dans d’autres villes au Canada. Alors que nous assistons à une course effrénée au vaccin, le scepticisme et la désinformation concernant la sécurité et l’efficacité des vaccins gagnent aussi en ampleur.
Les causes de la popularité grandissante des théories du complot sont complexes, mais un des facteurs notables est un profond manque de confiance envers les politiciens et les institutions gouvernementales, qui donne parfois dans une véritable paranoïa. La pandémie bouleverse nos vies de tous les jours et les politiques draconiennes que doivent adopter les gouvernements pour la contrer, notamment l’éloignement physique et les mesures de confinement, accentuent encore davantage cette perte de confiance.
Maya Goldenberg, professeure à l’Université de Guelph, a indiqué à CBC que les théories du complot entourant et le port du masque et les vaccins sont intimement liées à la confiance du public. « Lorsqu’une personne ne croit pas dans l’infrastructure fondamentale qui est supposée assurer le bien-être du public, elle trouvera toutes sortes de tactiques pour y résister », explique Mme Goldenberg.
Pour contrecarrer ces croyances dans les conspirations, les médecins et autres experts doivent faire preuve de patience et de respect lorsqu’ils s’adressent à des personnes mal informées. « Le meilleur moyen de mettre quelqu’un sur la défensive est de la dénigrer et de ne pas la prendre au sérieux », indique Mme Goldenberg. Créer un lien de confiance est un processus long et ardu, mais les interactions individuelles peuvent avoir un effet.
Si des amis ou des proches commencent à manifester de l’intérêt pour des idées conspirationnistes, il faut se rappeler que cette réaction en est souvent une de peur et d’insécurité; l’anxiété en réaction à une menace contre la vie est communément associée à des croyances dans les théories du complot. Discuter calmement avec nos proches en restant ancré dans les faits et poser des questions sur les sources de leur information peut aussi aider.
La désinformation est devenue un énorme obstacle dans la lutte contre la pandémie de COVID-19, mais il importe de continuer d’avoir ces conversations parfois difficiles sur l’exactitude et la fiabilité de l’information que nous consommons. Récemment, Theresa Tam, administratrice en chef de l’Agence de la santé publique du Canada, indique que l’éloignement physique et le port du masque pourraient se prolonger pour les deux ou trois prochaines années. Il sera donc crucial à l’avenir de bien communiquer de l’information exacte pour assurer notre succès à long terme.