Nous nous sommes récemment entretenus avec Véronique Couillard, gestionnaire, médias, relations publiques et relations francophones et Alexis Boyle, coordonnatrice des programmes de jeunesse et d’éducation et conservatrice, accès communautaire à la GAO. Le tout nouvel édifice de la GAO témoigne de nouvelles approches à l’égard de l’accessibilité et travaille avec sa collectivité grâce à des programmes d’approche communautaires. Il est clair que l’accès, l’inclusion et l’innovation sont au premier plan de tout ce que fait la Galerie; comment elle structure ses programmes, à qui elle s’adresse dans ses expositions et même comment elle a conçu son nouvel édifice.
La GAO a ouvert un nouvel édifice en 2018 et son architecture traduit une approche à l’accessibilité à laquelle les gens ne pensent pas nécessairement. Pourriez‑vous parler un peu de la conception de la GAO et de la façon dont elle stimule la participation?
Véronique : J’ai porté de nombreux chapeaux, et il y a très, très longtemps de cela, j’œuvrais dans des programmes publics et c’est à ce moment-là que j’ai commencé à m’investir dans la modernisation du bâtiment. On a travaillé avec KPMB architects, mais la vision de l’édifice a été essentiellement le fruit de notre directrice Alexandria Badzak, notre directrice et chef de la direction, qui s’est assurée de faire participer le personnel dans ce processus.
Nous nous sommes assis tous ensemble… Et nous nous sommes imaginés ce à quoi la Galerie devrait ou pourrait ressembler. Bien sûr, ces conversations portaient sur le type de plancher que nous devrions choisir, les aires d’accueil des groupes et la hauteur des plafonds, mais nous avons également parlé de cela comme d’une occasion de repenser l’accessibilité… de façon plus globale… de se montrer accueillants.
Sur le plan physique, cela voulait dire que nous voulions… que l’ensemble de l’édifice soit accessible à quiconque n’est pas mobile ou capable de marcher… nous avons également décidé de laisser l’entrée gratuite — notre entrée est gratuite dans l’ensemble de l’édifice et nous offrons des services de garde gratuits tous les vendredis soir. Les enfants sont plus que bienvenus dans les espaces d’exposition, mais, si les parents ou les responsables désirent quelques heures de temps libre pour contempler les œuvres d’art, ils en ont également l’option.
Nous avons également prolongé nos heures d’ouverture, donc [la modernisation] représentait également une occasion de contempler les autres obstacles, pas seulement physiques, mais également sociaux et économiques; qu’est-ce qui empêche quelqu’un de venir à la Galerie?
Le nouvel aménagement de la GAO est très invitant; l’édifice compte plusieurs entrées et aucune réception. Pouvez-vous nous parler de la nouvelle conception?
Il est vrai que lorsque vous pénétrez dans l’une de nos deux entrées principales, la première chose que vous voyez n’est pas un bureau! Vous verrez des gens attablés au café Jackson, une superbe cage d’escalier et des fenêtres intérieures afin de vous donner un point de vue privilégié sur les espaces d’exposition ou même sur les œuvres d’art directement dans le hall d’entrée. Il s’agit, dans un sens, d’éliminer tout obstacle physique ou tout obstacle qui donnerait l’impression que l’espace soit interdit d’accès.
La nouvelle Galerie d’art d’Ottawa, 2018. Photographe : Adrien Williams.
Que signifie l’accessibilité pour la GAO et à quoi cela ressemble‑t‑il?
V : Cela signifie que nous participons au débat actuel, je pense que c’est la meilleure façon de l’expliquer. La question de l’accessibilité est intemporelle, vous savez? On ne peut pas adopter une approche cloisonnée, il faut continuer de contempler cette situation, de chercher des solutions et de travailler avec nos partenaires.
Nous avons appris cela grâce à [notre collaboration] avec Carmen Papalia, un artiste vivant à Vancouver. Carmen se décrit comme un apprenant non visuel, et nous avons travaillé avec lui ainsi que dans un lieu appelé VocalEye, également situé à Vancouver. Ces deux partenaires nous ont prêté assistance en ce qui a trait à l’accessibilité, en examinant de quelle façon nous concevons nos expositions, et notre matériel d’interprétation, comme les visites.
Nous avons contemplé les moyens de devenir accessibles sur le plan audio… [ainsi que] en ajustant la hauteur des objets, afin de nous assurer que les objets ne soient pas positionnés trop haut de sorte à être visibles pour les gens plus petits ou même assis.
Je pense que le mieux est de… saisir toutes les occasions qui s’offrent à nous… pour repenser et redéfinir l’accessibilité soit à la lumière d’une nouvelle exposition, d’une nouvelle thématique, d’un nouveau public, ou parce que nous avons un nouveau partenaire ou un nouveau projet dans la collectivité, et nous devons garder en tête qu’il faut que l’art soit flexible et fluide.
Pourriez-vous nous parler un peu de votre programme, Rattraper l’écart?
Alexis : Rattraper l’écart a été financé par le Programme de subventions pour l’inclusion des aînés de l’Ontario et une grande partie du programme a permis d’accueillir des gens plus âgés de l’extérieur de la ville. Nous avons été en mesure de leur fournir un transport aller-retour pour aller visiter GAO, ce qui a permis de surmonter un obstacle important à l’accessibilité de la diversité. Ce n’est pas seulement de savoir si « les fauteuils roulants peuvent franchir la porte ».
Et quelles sont les leçons que vous avez retenues du programme Rattraper l’écart?
A : Essentiellement : que nous devrions poursuivre dans cette veine. Ce programme a été tellement bien reçu. Il ne fait aucun doute que ce type de programme intergénérationnel qui rassemble des gens issus de diverses collectivités pour qu’ils échangent grâce à l’art est nécessaire.
Les gens adorent la Galerie d’art d’Ottawa… continuons de les y amener et d’harmoniser les programmes selon leur réalité et leur collectivité. Que cela nécessite de faire appel à un traducteur pour les visites ou d’adapter les ateliers.
V : Ce que j’ai retenu de ça, c’est qu’il faut faire plus de place aux programmes intergénérationnels et que les initiatives qui sont conçues pour nous et par nous fonctionnent très bien. Cela nous assure que les programmes que nous mettons sur pied sont pertinents. Comme nous sommes étroitement liés à la collectivité et que nous nous posons sans cesse des questions, laissons les autres personnes participer activement et même décider de notre programmation, c’est aussi ça être accessible et accueillant.
Portraits en musique, mercredi 19 septembre 2018. Galerie d’art d’Ottawa Portraits en musique a combiné des danses et de la musique traditionnelle avec des sketchs interactifs. Photographe : Ming Wu
Que voulez‑vous dire par : « laisser les autres décider de la programmation »?
V : Nous avons deux exemples concrets de cela. GAO a un Conseil jeunesse, et également le programme Âge d’Art, qui est un comité pour les adultes plus âgés. Je les appelle des bénévoles, mais ce sont des membres volontaires du comité. Et de concert avec Alexis, ils organisent des programmes, des séries ou des événements inspirés de leurs besoins, et des partenariats qu’ils ont eux‑mêmes créés, et fondamentalement, la Galerie devient, d’une certaine façon, le lieu de présentation. Nous avons laissé ces deux groupes organiser des activités et elles ont connu un franc succès, parce que nous ne connaissons pas tout, nous ne pouvons être à l’affût de tout ce qui se passe, et c’est une façon de leur donner voix au chapitre.
Sur votre site Web, vous parlez des efforts qu’a déployés Portraits en musique afin de faire tomber les barrières. Pourriez-vous nous indiquer comment ce programme est parvenu à faire cela?
A : La plupart des personnes âgées qui ont participé, les musiciens chinois traditionnels et les artistes Tai-Chis, de même que les membres du centre de service de la communauté chinoise, ne parlaient anglais. Des étudiants en arts de l’école secondaire de Canterbury ont dessiné leur prestation… C’était une immense salle remplie de belle musique et de danse, et des étudiants étaient assis au sol, un peu partout, dessinant les prestations au fur et à mesure qu’elles étaient présentées. C’était si beau, et je crois que les interprètes étaient honorés de pouvoir faire rayonner leurs talents dans un espace aussi vaste et professionnel.
Même si la communication verbale n’était pas possible, les gens vouaient un respect tangible pour les talents de leurs pairs… c’était un exemple d’expressions artistiques et créatives et de la façon dont ces langages peuvent transcender.
Portraits en musique a rassemblé des membres de PAL Ottawa Community, du Ottawa Chinese Community Service Centre et des élèves du programme d’arts visuels de l’école secondaire Canterbury pour collaborer à la création d’œuvres d’art dynamiques. Photographe: Ming Wu
Avez-vous des conseils à donner aux autres établissements culturels qui tentent d’être plus inclusifs dans leurs pratiques et leurs processus?
V : Je n’en ai qu’un, et probablement que certains de ces établissements l’appliquent déjà. Pour notre part, nous savons qu’il existe des groupes, des artistes et des collectivités à qui nous pouvons nous adresser, nous identifier, ou simplement lancer des invitations ou demander des conseils.
A : J’aurais tendance à dire : regardez qui ne franchit pas nos portes et qui ne participe pas à nos programmes, voilà vos publics cibles. Allez chercher les gens qui ne viennent pas vous voir et créez un programme ou un espace, créez des liens avec eux, et donnez‑leur une raison de venir. Cela dit… [avec] je vais souvent voir certaines des populations sensibles avec qui je travaille. J’anime des ateliers à l’extérieur une fois par mois avec des gens, et une fois que cette relation de confiance est bien établie, je peux les y inviter, mais cela prend du temps, surtout si je travaille dans un lieu associé à un traumatisme.
Cette entrevue a été modifiée par souci de clarté et de brièveté.