L’Institut pour la citoyenneté canadienne et l’ambassade du Canada au Mexique ont participé au troisième d’une série de trois dialogues entre le Mexique et le Canada portant sur l’histoire riche et tumultueuse façonnée par la colonisation que partagent les deux pays. Nous avons abordé l’héritage du colonialisme, à la fois vaste et profondément ancré : du classisme et de l’inégalité économique au racisme et au tokénisme (pratique qui consiste à inclure des personnes des minorités pour donner l’illusion d’être inclusif).
Depuis longtemps, nous savons que ces systèmes doivent être démolis. Le projet est vaste, mais prend racine dans chacun de nous comme personne et dans les relations que nous établissons avec celles et ceux qui nous entourent.
En vedette
– Présentateur : Ambassadeur Graeme C. Clark
– Allocution de la très honorable Adrienne Clarkson
– Animatrice : Juana Inés Dehesa
– Invité·e·s : Kamal Al-Solaylee (Canada), El Jones (Canada), Judith Bautista Pérez (Mexique)
Principaux points
Le colonialisme, plus particulièrement l’exploitation des terres et des personnes, a créé des inégalités aussi bien à l’échelle mondiale que nationale. D’emblée, plusieurs conviennent qu’il était nettement visible à « l’ère colonialiste » de l’Amérique du Nord, par l’assujettissement au grand jour des peuples autochtones, l’extraction des ressources et la traite des esclaves. Or, cette exploitation ne s’est pas éteinte au 19e ou au 20e siècle. Elle sévit encore aujourd’hui, dans nos vies quotidiennes.
Forgée au fil des 100 dernières années d’inégalités, l’exploitation des terres et des personnes se manifeste encore aujourd’hui dans les différences de statut politique, l’extraction des ressources ainsi que les dynamiques d’emploi. Les Autochtones, les personnes noires et les immigrants rencontrent tous des obstacles à leur participation citoyenne. Notons entre autres le refus explicite du droit de vote, parmi une variété de moyens visant à conserver le contrôle sur les terres et les ressources. À maintes reprises, au Canada comme au Mexique, les peuples autochtones ont lutté pour empêcher l’extraction sans leur consentement de ressources sur leur territoire – ou ses conséquences. Ces groupes sont depuis toujours représentés de manière disproportionnée – et mal payés – dans des rôles de subalternes ou en travail de première ligne (comme l’aborde le livre de Kamal Al-Solaylee, Brown), et assument les risques, la douleur et le danger de mort qui découle de ce type de travail à l’ère de la COVID-19.
Les hiérarchies raciales sont montées de toutes pièces, et cette construction est un élément essentiel à l’exploitation. La fluidité des hiérarchies raciales montre bien leur nature construite. Cette fluidité se manifeste non seulement dans l’interprétation variable qu’ont les différents milieux de l’origine ethnique d’une personne et du statut social associé à cette origine, mais aussi dans des groupes entiers de personnes, par exemple, les Irlandais dans l’Amérique du 19esiècle, qui ont vu leur position hiérarchique associée à leur origine évoluer au fil du temps. La construction de cette hiérarchie, la déshumanisation et la dépréciation de certains groupes de personnes, qui continuent aujourd’hui d’être inoculées en nous dès le plus jeune âge, ont toujours été des catalyseurs importants de l’exploitation permettant de justifier implicitement un traitement injuste et inéquitable, dont l’esclavage, le travail en servitude, l’exclusion politique, l’appropriation des terres et l’accroissement des plus graves conséquences environnementales du capitalisme crasse : la pollution et le réchauffement climatique.
Au Canada comme au Mexique, trop nombreux·euses sont ceux et celles qui entretiennent le mythe voulant que le racisme et l’exploitation fondée sur l’origine ethnique soient chose du passé, alimentant ainsi ignorance et inaction sur ces enjeux. Au Canada, bon nombre de gens regardent notre politique officielle de multiculturalisme, la comparent à ce qui se passe aux États-Unis, puis concluent que le racisme n’est pas un problème ici. Au Mexique, pour certains, puisque la proportion de métis est la plus grande dans la population (personnes d’origine mixte, habituellement européenne et amérindienne), le racisme n’existe pas. Dans les deux pays, une supposée méritocratie capitaliste (ignorant l’oppression passée) et les nominations politiques tokénistes de personnes noires, de couleur et autochtones servent certes à apaiser les esprits, mais échouent à véritablement assurer une justice raciale.
Ce que nous voulons, c’est la justice. Pour y parvenir, nous devons admettre que le colonialisme et le racisme infectent toujours nos sociétés modernes, puis agir en conséquence pour les éliminer. Nous devons reconnaître la dignité et la valeur inhérente de toutes les personnes et le fait que le colonialisme intériorisé en chacun de nous nous a amené à accepter depuis trop longtemps les inégalités et l’exploitation, voire, à en profiter. Nous devons anéantir les hiérarchies raciales qui existent dans nos esprits pour pouvoir établir une justice durable dans nos politiques, nos interventions et nos économies.