L’intervention du Canada relativement à la pandémie de COVID-19 est loin d’être parfaite, mais certains éléments jouent en notre faveur : de solides services publics comme le régime de soins de santé universel, un filet social sous la forme de paiements de PCU et une moins grande politisation du port du masque et des mesures de distanciation physique que chez nos voisins du sud. Or, ces services sociaux qui ont protégé les Canadien·ne·s pendant la pandémie ne sont pas garantis et le financement du secteur public est perpétuellement menacé, notamment en matière de santé et d’éducation. Dans l’avenir, le Canada devra réfléchir à ses priorités financières, afin de rester prêt à d’autres crises imprévues, même lorsque la pandémie sera derrière nous.
Dans les dernières années, les coupes budgétaires en santé se sont répétées dans certaines provinces, dont l’Ontario et l’Alberta. En 2019, le gouvernement ontarien a publié un plan qui comprenait des compressions dans les dépenses en soins de santé ainsi que des mesures de privatisation, des choix qui, selon les détracteurs, allaient augmenter l’engorgement dans les hôpitaux et réduire la capacité de donner des soins aux patients. Ces compressions ont été imposées après plusieurs décennies de statu quo dans le secteur de la santé de la province; en 2019, l’Ontario disposait de 30 000 lits d’hôpitaux, soit le même nombre qu’en 1999, et ce, malgré une augmentation de population de 27 pour cent.
Des coupures dans l’éducation publique ont aussi été observées. À la lumière de la grande désinformation qui a circulé concernant le virus au cours des six derniers mois, la capacité de pensée critique, la littératie médiatique et l’éducation en science que l’on enseigne aux enfants dans les écoles sont des compétences plus importantes que jamais et ne devraient jamais être tassées du revers de la main. Malgré tout, en Alberta, les budgets destinés à l’éducation ont récemment été amputés dans le cadre de coupures massives élargies dans le secteur public de cette province. Ces coupures ont entraîné la perte d’environ 1 400 postes d’enseignant·e·s à temps plein, alors que les écoles doivent piger dans leurs économies pour payer tous les coûts relatifs à la COVID-19.
Investir dans les ressources qui nous sont les plus précieuses – les services de soins de santé, qui sont assez réactifs pour répondre à une crise majeure de santé publique, les campagnes d’éducation visant à lutter contre la désinformation et le revenu minimum garanti, pour éviter que les Canadien·ne·s ne se retrouvent dans la pauvreté, sans égard à leur emploi – ne sont que quelques-unes des mesures que peut prendre le Canada pour se préparer à un futur post-pandémie.
Réciproquement, le financement de services qui ne servent aucun objectif de santé, de sécurité et d’égalité devrait être reconsidéré. L’appel des sympathisants du mouvement Black Lives Matter à réaffecter le financement des services de police à d’autres services publics, par exemple aux travailleur·euse·s sociaux·ales, aux équipes d’intervention en santé mentale et aux services de consultation en toxicomanie, en est un exemple. Dans de nombreuses villes du Canada, les forces de l’ordre constituent souvent le poste budgétaire le plus élevé dans les finances municipales, et ce, malgré un lourd passé de violence policière contre les Canadien·ne·s racialisé·e·s, particulièrement les Noir·e·s et les Autochtones. Réaffecter ces fonds à d’autres services qui profitent davantage à la communauté dans son ensemble serait un pas dans la bonne direction.
Si certaines projections scientifiques s’avèrent, la pandémie de COVID-19 pourrait n’être qu’un exemple de crises similaires dans le futur. Anthony Fauci et David Morens, deux voix fortes sur la COVID-19 du National Institute of Allergy and Infectious Diseases, aux États-Unis, ont récemment publié un article dans le journal Cell expliquant pourquoi le nouveau coronavirus risque d’être le point de départ d’une nouvelle ère pandémique causée par la dégradation environnementale et la mondialisation. « Nous demeurons à risque dans un futur prévisible. La COVID-19 constitue l’un des signaux d’alerte les plus évidents du dernier siècle », écrivent-ils. « Cela devrait nous forcer à penser sérieusement et collectivement à vivre en plus grande paix et harmonie créative avec la nature, même dans un contexte où l’on se prépare aux surprises inévitables et toujours inattendues de la nature ».
Au cours de cette pandémie, de nombreux·euses Canadien·ne·s ont acquis une nouvelle perspective, que ce soit en se joignant à des manifestations ou en constatant l’interconnexion entre différentes politiques et pratiques dommageables sur le plan social, comme la violence policière, la discrimination, la désinformation et l’inégalité dans les soins de santé. La réalité post-pandémie au Canada devrait tenir compte de ces prises de conscience, et cela commence en révisant nos priorités financières.