L’Institut pour la Citoyenneté Canadienne et 6 degrees se sont associés aux Services Culturels du Consulat de France à Toronto pour présenter le Dialogue France-Canada: Espaces démocratiques, questionnant la relation contemporaine entre les espaces publics et la démocratie. 6 Degrees tient également à remercier Knowledge Partners Canadian Urban Institute et 8 80 Cities pour leur soutien.

L’espace urbain est l’endroit où nous vivons. Cela a un impact sur notre vie quotidienne: la manière dont nous interagissons, travaillons, voyageons, achetons et plus encore. Il représente la place publique dans laquelle nous nous réunissons, débattons et unissons nos forces et nos voix en tant que membres d’une communauté.

D’une privatisation croissante de l’espace aux réalités du COVID-19, nous avons discuté de la façon dont notre capacité à se rassembler évoluent et de la manière dont nos espaces partagés doivent changer pour que nos communautés restent fortes.

Nous avons examiné la manière dont les infrastructures et la planification racistes, classistes et inéquitables affectent notre quotidien et notre capacité à participer pleinement à la vie civique. Nos besoins collectifs évoluent. Alors, de quel type d’espace urbain avons-nous besoin pour favoriser le meilleur de notre démocratie dans cette nouvelle ère?

Avec:

– Allocution de l’ambassadeur de France au Canada, Kareen Rispal
– Modératrice: : Amanda O’Rourke, directrice exécutive de 8 80 Cities (Canada)

Les conférenciers

– Habon Ali, étudiant en santé mondiale et bâtisseur communautaire (Somalie/Canada)
– Michael Redhead Champagne, Organisateur communautaire, personnalité publique (La Première Nation de Shamattawa/Winnipeg/Canada)
– Angèle De Lamberterie, Géographe et urbaniste, Chargée du développement de Plateau Urbain (France)
– Yoann Sportouch, Urbaniste, rédacteur en chef du webmagazine “Lumières de la Ville”, fondateur de l’agence de prospective urbaine LDV Studio Urbain (France)

Points clés à retenir

Les espaces publics sont essentiels au processus démocratique. Les espaces publics jouent le rôle d’intermédiaire entre le peuple et l’État. C’est là que nous nous réunissons pour exprimer nos points de vue, soulever nos plaintes et travailler collectivement pour trouver des solutions. C’est dans ces espaces que la société peut se rassembler mais seulement s’ils sont accessibles à tous. Bien que ces espaces puissent exister numériquement – et existent effectivement – ils doivent être complétés par des espaces physiques intégrés dans nos communautés.

La conception des espaces publics doit être éclairée par les besoins de la communauté. Trop souvent dans le développement des espaces publics, les besoins de la communauté sont ignorés, mal jaugés voire éclipsés par les intérêts privés. Pour qu’un espace public renforce une société, il doit être conçu en consultation franche et approfondie avec la communauté qu’il sert, et avec un véritable effort pour réaliser la vision que la communauté exige. Pour être réellement publiques, ces consultations doivent également permettre la participation de ceux qui sont le plus souvent marginalisés.

Les besoins de la communauté ne sont pas statiques. Comme le démontre la crise du COVID-19, nous ne pouvons pas prédire toutes les manières dont l’espace public pourrait être nécessaire à l’avenir. Nos espaces doivent donc être flexibles, accommodants et nombreux pour répondre aux besoins dynamiques des communautés à mesure qu’ils se présentent.

Pour soutenir la démocratie, nous devons avoir des espaces publics qui facilitent le dialogue et la collaboration entre des personnes diverses. Le simple accès à un espace public physique ne suffit pas. De nombreux espaces accessibles au public sont conçus autour de la consommation, du transport ou des loisirs, mais pas du dialogue. La conception et la gestion d’un espace démocratique doivent favoriser la construction de réseaux et l’échange d’idées. Souvent, les personnes les plus marginalisées sont aussi celles qui se sentent le moins soutenues par nos démocraties, tout en étant également confrontées aux plus grands obstacles à la participation. Nous avons la responsabilité de veiller à ce que leurs voix soient entendues. Nous devons être proactifs dans la création de structures, à la fois physiques et philosophiques, pour inclure de manière significative ceux qui sont les plus marginalisés dans nos conversations publiques. Nous devons favoriser l’appartenance à ces espaces et pas seulement leur accès.

Les succès dans les espaces publics peuvent être reproduits et partagés. Bien que les exigences en matière d’espace public diffèrent selon les zones géographiques, les réussites peuvent être reproduites, répétées et mises à l’échelle d’autres environnements. Les communautés y sont attentives. Les urbanistes y sont attentifs. Nous avons tous l’occasion de montrer l’exemple en créant des espaces publics inclusifs, démocratiques et axés sur la communauté.

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En cette période où les forces de l’exclusion, de la discrimination et de la haine continuent de prendre de l’ampleur partout dans le monde, nous devons choisir l’inclusion comme pilier du monde que nous voulons créer. Lors de notre tout premier forum virtuel 6 Degrees, nous avons entendu des présentateurs et des présentatrices de partout dans le monde – et de nos communautés – nous expliquer comment aborder les crises qui s’entremêlent actuellement, comment sortir de la pandémie de sorte que notre société soit plus équitable et dans quelle mesure les mouvements pour la justice raciale et sociale qui ont émergé dans le monde peuvent stimuler un changement significatif.

Voici ce que nous avons appris, les mesures que vous pouvez prendre et comment vous pouvez vous connecter à notre réseau.

[icc_block_quote quote=”Nous avons l’obligation et la responsabilité de faire tout est ce qui en notre pouvoir pour améliorer notre société.” author=”L’honorable Murray Sinclair” border_colour=”#000000″]

Trois choses que nous avons apris

Le racisme, l’âgisme, la misogynie et l’inégalité empoisonnent nos sociétés, et ces problèmes ont été mis à nu lors de la pandémie de COVID-19. Les changements dont nous avons besoin – en matière de justice, de réconciliation et de mise en place d’institutions fiables (et dignes de confiance) – ne se feront pas du jour au lendemain. Il faudra redoubler d’optimisme, de détermination, d’imagination et de travail. Nous avons déjà vu comment cette pandémie a inspiré des efforts encourageants pour le changement. Lorsque vous avez besoin d’inspiration, pensez aux jeunes qui font partie de votre vie – dans votre famille, dans votre cercle d’amis et dans votre quartier – et au genre de société que vous voulez leur laisser.

[icc_block_quote quote=”Que fais-je aujourd’hui pour améliorer la vie de la septième génération?” author=”Roberta Jamieson” border_colour=”#000000″]

Nous devons redoubler d’efforts afin de ne laisser personne derrière. Trop souvent, nos politiques, nos institutions, et même nos mouvements progressistes ont profité davantage à certaines personnes et en ont laissé d’autres en plan. Pour faire en sorte que des voix diverses soient entendues et que chacun ait la possibilité de s’épanouir, nous devons continuer à nous connecter, à échanger des idées, à nous comprendre les uns les autres et à travailler ensemble. Nous avons été témoins de notre potentiel à être solidaire dans la foulée de la pandémie de COVID-19, et nous devons poursuivre sur cette lancée.

Pour opérer un changement systémique, nous avons besoin d’une armée de personnes éthiques, imaginatives et enthousiastes sur tous les fronts. Nous avons besoin que les gens utilisent leur voix, leur vote et leur argent pour exiger que les personnes qui sont au cœur du système travaillent pour un réel changement, tout en célébrant ces changements positifs. Mais cela n’est pas suffisant. Les institutions du pouvoir, et les cultures qu’elles prônent, ne sont pas faites pour être ébranlées, même lorsque la société le demande. Pour surmonter cette inertie et les injustices sur lesquelles reposent de nombreux systèmes, nous avons également besoin d’alliés « à l’intérieur » du système, qui sont capables de le reconnaître lorsque les structures critiques sont défaillantes, et qui ont la créativité et l’énergie nécessaires pour les remplacer par quelque chose d’entièrement nouveau. Que ce soit depuis l’intérieur ou depuis l’extérieur, nous avons besoin de votre participation. Maintenant.

[icc_block_quote quote=”Il existe une certaine fascination pour le peuple, pour les masses, mais je dois faire preuve d’audace sur ce point, nous devons saisir le pouvoir. ” author=”Renata Ávila” border_colour=”#000000″]

Voyez grand. La crise aux multiples facettes qui sévit actuellement est en partie due à un manque d’imagination. Nous devons voir grand pour faire de grands changements. Nous devons mûrir notre réflexion pour opérer des changements audacieux. Répondez à cette crise avec ambition, pas en reculant.

Interrogez-vous sur le rôle que vous jouez dans le maintien de systèmes néfastes. Le racisme systémique va bien au-delà des milices d’extrême droite et des torches tiki. Les personnes bien intentionnées peuvent contribuer et contribuent effectivement au racisme systémique de manière complexe. Approfondissez votre compréhension. Écoutez les opprimés.

Fixez-vous des objectifs, petits et grands, et célébrez vos victoires. Le progrès est source de motivation. Définissez des objectifs clairs et assurez-vous de couronner vos réussites en cours de route.

Ne faites pas cavalier seul. Il n’y a pas de changement sans douleur. Comme nous l’a rappelé l’honorable Murray Sinclair, il est important de mettre en place un système de soutien personnel pour protéger sa propre santé mentale et physique.

Soyez présent, soyez présent, soyez présent. Trouvez des moyens d’être un allié, et passez à l’action. Découvrez comment vous pouvez dépasser les croyances et la rhétorique pour passer à l’action et laisser vos marques. Répétez.

Connaissez vos droits. Vos droits sont consacrés pour une raison. S’ils sont enfreints, vous avez le devoir de les protéger et de les faire valoir. Pas seulement pour vous, mais aussi pour votre communauté et pour les générations futures.

Présentez-vous aux élections. Bien qu’elles soient imparfaites, nos institutions politiques sont de puissants outils de changement. Un homme politique, bien que faisant preuve de la plus grande éthique, ne réussira pas à changer le monde, mais qu’en est-il de 100 hommes? De 1 000? De 10 000? Soyez un des leurs.

Agissez maintenant. Littéralement maintenant. Accomplissez un petit geste dans l’heure qui vient pour faire un grand pas sur la voie de l’inclusion. Découvrez ce que cela implique de présenter sa candidature à une fonction locale. Trouvez une bonne ressource sur l’histoire autochtone et/ou coloniale de votre région. Trouvez une organisation qui partage vos valeurs et dont vous souhaitez soutenir le travail. Nous ne pouvons pas attendre la fin de la pandémie pour commencer à créer une société plus juste et plus équitable. Commencez maintenant.

Lisez les rapports de la Commission vérité et réconciliation dirigée par le sénateur Murray Sinclair, parcourez les 94 appels à l’action et écoutez la Dre Yvonne Poitras Pratt de l’Université de Calgary expliquer l’importance de la Journée du chandail orange, qui reconnaît les survivants des pensionnats du Canada.

Dans son nouveau livre, Michael Sandel explore la question centrale de notre époque : Qu’est devenu le bien commun? The Tyranny of Merit est disponible dès maintenant!

Future of Good a pour mission de trouver et de célébrer des projets canadiens locaux qui aident les communautés #BuildBackBetter à mieux vivre pendant une décennie florissante. Cliquez ici pour partager un projet.

Freidrich Ebert Stiftung s’est associé à CuriosityConnects.us pour réunir des personnes issues du large éventail politique et de tous les États-Unis pour des conversations sur l’actualité et l’identité. Regardez les extraits vidéo de Looking for America.

Écoutez le podcast Economics and Beyond. Chaque semaine, Rob Johnson parle de questions économiques et sociales avec un invité qui n’était probablement pas sur votre liste de lecture d’Econ 101, des musiciens aux économistes rebelles en passant par les activistes.

Lisez TwentyThirty, un magazine en ligne présenté par la Fondation BMW Herbert Quandt. Il met en lumière les défis sociaux, politiques et environnementaux auxquels nous sommes confrontés et présente des dirigeants responsables inspirants qui s’efforcent de les résoudre.

Lisez IndigiNews, un bénéficiaire de la Inspirit Foundation qui vise à démystifier les stéréotypes sur les communautés autochtones perpétués par les médias.

Téléchargez le carnet d’urbanités conçu par l’équipe de Studio LDV Urbain. Cet outil réunit des exemples novateurs destinés aux professionnels de la fabrique urbaine, pour dynamiser les villes!

La pandémie de COVID-19 a des répercussions disproportionnées sur les minorités ethniques, particulièrement chez les personnes noires et les Autochtones au Canada. Aux États-Unis, un nombre stupéfiant de données indiquent que les peuples noirs, autochtones et de couleur ont des taux plus élevés d’infection et de mortalité dues à la COVID-19. Or, le phénomène n’est pas encore bien cerné ici au Canada puisque les gouvernements s’acharnent à ne pas compiler les données de façon à distinguer les groupes ethniques.

Dans les dernières semaines, de nombreuses personnes plaident en faveur d’une collecte des données sur l’ethnicité dans le système de santé. Dans une lettre adressée au premier ministre Doug Ford, à la vice-première ministre, Christine Elliot et au médecin-hygiéniste en chef, David Williams, 192 organismes demandent au gouvernement ontarien de commencer à compiler des données raciales et sociodémographiques dans le contexte de la pandémie. « Nous ne pouvons aborder ce que nous ne pouvons mesurer et évaluer », expliquent les auteurs·trices de la lettre. « Nous ne pouvons pas lutter contre les inégalités en matière de santé dans la population et contenir efficacement la COVID-19 sans des données qui révèlent les lacunes à l’accès aux soins dans notre système ».

Depuis, le gouvernement de l’Ontario a ajouté une question sur la race et l’ethnicité posée aux patients atteints de la COVID-19. D’autres provinces, notamment le Québec et le Manitoba, ont annoncé des modifications semblables.

Mais alors, pourquoi donc ces données n’étaient-elles pas compilées dès le départ? Questionné sur la collecte de données raciales en avril dernier, le médecin-hygiéniste en chef de l’Ontario suggérait que la province devait adopter une approche « daltonienne » de la crise. « Toutes les personnes sont également importantes pour nous, peu importe leur couleur, leur ethnie ou leurs origines », explique le Dr Williams.

Si une approche de la pandémie non fondée sur la couleur laisse supposer un semblant d’égalité de traitement de prime abord, ces politiques « daltoniennes » risquent en fait de nous empêcher de nous attaquer à d’importants problèmes, parce qu’elles occultent les inégalités qui existent parmi les ethnies. Sans données raciales, les changements systémiques quant aux inégalités et aux politiques discriminatoires seront plus difficiles à réaliser.

Selon la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP), les données raciales pourraient jouer un rôle important dans la mise en œuvre d’un code des droits de la personne. La fiche de collecte de données de la CODP indique que « dans le contexte de la discrimination raciale, la collecte de données est un outil nécessaire et parfois essentiel pour déterminer s’il y a ou pourrait avoir atteinte à des droits en vertu du Code ou pour prendre des mesures correctives ».

Si aucun motif réglementaire n’explique le choix des gouvernements canadiens de ne pas compiler de données raciales, la population pourrait conclure que lutter contre le racisme en s’appuyant sur des données essentielles n’est simplement pas une priorité pour les autorités. « La discrimination n’est pas nécessairement dans ce que l’on fait. Elle se cache aussi parfois dans ce qu’on omet de faire, », a expliqué sur les ondes de CBC le Dr Kwame McKenzie, président et chef de la direction du Wellesley Institute et professeur titulaire au Département de psychiatrie de l’Université de Toronto. « Le fait que ces données n’aient pas été colligées jusqu’à maintenant peut passer pour de la négligence : tout le monde savait bien que nous devions recueillir cette information, mais cela n’était jamais mis en priorité ».

Les données raciales revêtent une importance particulière au Canada pour déboulonner le mythe persistant que le racisme n’existe pas au pays. Un sondage de Global News réalisé en 2019 révèle que près de la moitié des répondants sont d’avis que le racisme est un « problème mineur » ou « pas vraiment un problème » au Canada. Chose frappante, ce même sondage révèle des préjugés racistes bien ancrés chez la population canadienne; près de la moitié des répondants dit être « fortement en accord » ou « plutôt d’accord » avec l’énoncé suivant : « J’ai des pensées racistes à l’occasion, mais je n’en parlerais pas en public ».

En recueillant des données raciales sur la COVID-19 et d’autres problèmes, il sera d’autant plus difficile pour les Canadiens d’ignorer – ou de plaider l’ignorance – quant aux inégalités qui existent entre les différents groupes ethniques. Les données raciales dont nous disposons montrent déjà des inégalités importantes de revenu, tout comme un taux d’incarcération, d’expulsion d’établissement d’enseignement, d’insécurité alimentaire et d’itinérance plus élevé chez les personnes noires, autochtones et de couleur que dans la population canadienne blanche.

La qualité des données raciales ainsi que la manière de les colliger et de les utiliser doivent aussi être prises en considération. Par exemple, bien que certaines données aient été recueillies sur les communautés autochtones, on peut se questionner sur la fiabilité de ces dernières. Une recherche effectuée par le Yellowhead Institute montre des écarts entre le nombre de cas de COVID-19 calculé par Services aux Autochtones Canada (SAC) et le nombre rapporté par les communautés elles-mêmes. Au début mai, SAC rapportait 175 cas de COVID-19 dans les communautés autochtones alors que les données provenant des communautés elles-mêmes indiquaient que ce nombre était près de trois fois supérieur, soit 465 cas rapportés.

Ces écarts montrent bien que le Canada abandonne encore une fois ces communautés en ne fournissant pas de données raciales désagrégées, en n’assurant pas la coordination entre les gouvernements provinciaux et fédéral pour une collecte de données précises et en omettant de prendre en compte les nombreux Autochtones qui vivent hors réserves.

« Cette pandémie démontre, encore une fois, que le Canada ne se préoccupe pas du sort des peuples autochtones », écrivait Courtney Spike, analyste des politiques du Yellowhead Institute dans un article récent. « Ce problème est soulevé depuis longtemps par nos communautés et nous avons les données – ou plutôt, le manque de données – pour le prouver ».

La pandémie de COVID-19 marque un tournant dans la discussion sur la collecte de données et, dans la foulée des violences policières récentes et des manifestations antiracistes qui ont suivi, les défenseurs de la cause revendiquent maintenant une collecte de données raciales pour cet autre problème. Jusqu’à maintenant, l’on constate des progrès dignes de mention : en Ontario, le chien de garde des services policiers de la province commencera à recueillir des données raciales pour la première fois et Statistiques Canada colligera quant à lui des données raciales associées aux répercussions de la COVID-19 sur les taux d’emploi, entre autres mesures.

Toutefois, les gouvernements devront aller plus loin. Dans des pays comme les États-Unis, où des données raciales complètes sur les disparités ethniques en santé et d’autres domaines sont recueillies et généralement publiques, les communautés noires, autochtones et de couleur continuent néanmoins de subir des inégalités importantes. En encore, même lorsque des données sont recueillies, elles ne sont pas toujours publiées. Récemment, les données fédérales sur la répartition des cas de COVID-19 selon l’ethnie ont été rendues publiques après seulement que le New York Times ait poursuivi en justice les Centers for Disease Control and Prevention, les obligeant à publier ces données.

Nous savons déjà que les communautés noires, autochtones et de couleur au Canada sont confrontés à certains problèmes, notamment des logements inadéquats et des conditions de travail dangereuses en tant que travailleur·euse·s essentiel·le·s, ce qui explique pourquoi elles sont davantage frappées par la COVID-19. Puisqu’il s’agit d’une question de vie ou de mort, un véritable changement doit s’opérer rapidement : une collecte de données précises est la première étape.

Depuis le début de la pandémie de la COVID-19, un grand nombre de personnes passent moins de temps à socialiser et beaucoup plus de temps les yeux rivés sur leurs appareils numériques à la maison. Le fait de vérifier de façon obsessive les dernières nouvelles relatives au coronavirus a même été qualifié de « doomscrolling » (défilement pessimiste).

Mais en consommant plus d’information, les gens ne sont pas nécessairement plus au fait de ce qui se passe. Un rapport publié en 2019 dans le cadre du Digital Democracy Project, qui étudie la désinformation liée à la couverture électorale au Canada, a révélé que la consommation de grandes quantités de nouvelles par l’entremise des médias sociaux ou des sources de renseignements traditionnelles est également associée à des degrés plus élevés de désinformation. Pour être aussi efficaces et exacts que possible, les médias doivent également être de grande qualité et s’appuyer sur de solides reportages qui comprennent des points de vue représentant toute la gamme des expériences canadiennes.

Nous avons déjà discuté de l’importance de la vérification des faits et de la nécessité de prévenir les stéréotypes nuisibles lorsqu’on consomme des nouvelles. Cependant, comment les structures des médias peuvent-elles changer pour s’assurer que les reportages sont aussi exacts que possible?

Une solution consiste à commencer à s’attaquer efficacement à la question de la diversité dans les médias canadiens. En ce qui concerne la COVID-19, la diversité dans la façon dont les histoires sont recueillies et rapportées aide à s’assurer que toutes les communautés sont représentées et servies par les autorités sanitaires. Or, les médias canadiens ont encore beaucoup de chemin à faire.

À l’heure actuelle, il existe très peu de mesures récentes pour évaluer la diversité dans les médias canadiens, et de nombreux organismes de presse n’ont pas voulu communiquer leurs propres données. En 2016, Canadaland a communiqué avec 18 journaux partout au pays pour leur demander de participer à un sondage sur la diversité. Seulement trois organismes de presse ont accepté d’y participer.

Le peu d’information dont nous disposons montre que les médias canadiens sont majoritairement blancs. Une étude réalisée en 2019 par l’Université Ryerson a révélé qu’au Canada, les chroniqueurs de race blanche étaient surreprésenté·e·s dans les médias par rapport à la population du pays, et que l’écart s’était creusé au fil du temps. Une autre étude effectuée en 2004 auprès de 37 quotidiens canadiens a révélé que « les minorités raciales sont plus de cinq fois sous-représentées dans les salles de nouvelles tous les jours », et ce, dans toutes les sections.

Lutter contre la désinformation, c’est aussi permettre à des voix diverses de raconter leur histoire dans leurs propres mots. La cinéaste torontoise Sherien Barsoum est membre fondatrice du Racial Equity Media Collective (REMC), groupe chargé de défendre les créateurs de contenu médiatique des peuples noirs, autochtones et de couleur. Le REMC travaille surtout dans les secteurs du cinéma, du documentaire et de la télévision, où les personnes noires, autochtones et de couleur peuvent se heurter à des obstacles lorsqu’elles tentent de percer dans l’industrie. « Les salles de nouvelles, les salles de conférence et les bureaux de direction ne sont malheureusement pas remplis de voix diverses. Ils sont extrêmement homogènes. Et, vous savez, je pense que cela signifie que nous entendons souvent des histoires qui sont répétées et racontées à partir de quelques points de vue seulement », dit Mme Barsoum.

La diversité doit s’étendre au-delà des journalistes qui racontent les histoires, et inclure également les experts, les chercheurs et les membres de la communauté interviewés. En ce qui concerne la COVID-19, le fait de s’inspirer de diverses sources pour les reportages donnera une idée plus précise de ce qui se passe sur le terrain.

Au début de la pandémie, avant que les centres pour le contrôle et la prévention des maladies ne fassent le suivi des disparités raciales dans les taux d’infection à la COVID-19, les médecins noirs se sont inquiétés du fait que les communautés de couleur ne recevaient pas assez de tests ou les traitements nécessaires. Leurs inquiétudes se sont avérées exactes. Les données montrent maintenant que les personnes noires et hispaniques aux États-Unis sont touchées de façon disproportionnée par la COVID-19.

Les écrivain·e·s noir·e·s étaient également à l’avant-garde de ces questions. L’écrivain de Citylab, Brentin Mock, a décrit la longue histoire de croyances racistes à l’origine du mythe selon lequel les Afro-Américains étaient en quelque sorte immunisés contre la COVID-19. En avril dernier, Ibram X. Kendi, auteur ainsi que directeur du Antiracist Research & Policy Center, a écrit dans The Atlantic que plus de données démographiques sur les infections et les décès liés à la COVID-19 s’avéraient nécessaires afin de comprendre la « pandémie raciale au sein de la pandémie virale ».

Plus les salles de nouvelles sont diversifiées, moins les points de vue comme ceux-là risquent de passer entre les mailles du filet. La Canadian Association of Black Journalists et la Canadian Journalists of Colour ont recommandé d’accroître « la représentation et la couverture des communautés ethniques en embauchant plus de rédacteur·trice·s en chef et de journalistes de couleur » dans une récente liste d’appels à l’action pour accroître la diversité dans les salles de presse canadiennes. « Une équipe d’information plus diversifiée se traduit par une couverture plus diversifiée », ont déclaré les organismes.

Nous entrevoyons toutefois des signes de changement. Le virage des médias vers le numérique a, d’une certaine façon, permis à une plus grande pluralité de voix de se faire entendre grâce à une variété de méthodes, comme la possibilité pour les écrivains d’accroître leur auditoire par l’entremise de Twitter ou l’utilisation de ressources en ligne pour saisir de nouvelles occasions. Les récentes manifestations dans le monde entier entourant la violence policière à caractère raciste ont également eu un effet, forçant les publications de presse à entamer des conversations difficiles au sujet de la diversité de leur personnel et de la façon dont ils tiennent compte de la race dans leurs reportages.

« En fait, je suis vraiment optimiste », déclare Mme Barsoum, citant des progrès prometteurs dans l’opinion des médias sur la façon dont la diversité peut ajouter à leur programmation. « Ce n’est pas seulement essentiel pour que les choses s’améliorent en ce qui concerne les gens de couleur. Nous en profitons tous. C’est une expérience plus humaine du monde. »

Le jour où le Canada est devenu une démocratie est indéniablement un moment décisif de notre histoire. Il y a 172 ans, un 11 mars, Lord Elgin, alors gouverneur général, a chargé Louis-Hippolyte LaFontaine de former un nouveau gouvernement. Pourquoi? Parce que la grande coalition des réformistes du Haut et du Bas-Canada avait remporté une nette majorité lors de l’élection de 1848. Pour la première fois de toute l’histoire de l’Empire britannique, force était d’admettre que le peuple, et non plus les pouvoirs impériaux, déciderait des personnes qui allaient former le gouvernement.

Le 11 mars 1848 représente ainsi l’une des dates les plus importantes de l’histoire canadienne. Celle-ci marque le début de ce qu’il conviendrait d’appeler le Canada moderne. Le début d’un gouvernement responsable au Canada, serait une autre façon d’exprimer que le11 mars représente une date marquante de l’idée désormais axiomatique voulant que la gouvernance ne soit convenablement assurée que par des représentants élus par les citoyens et non par les pouvoirs coloniaux. Voilà qui fut un moment décisif pour la démocratie représentative au Canada, marquant un tournant fondamental quant à ses modes de gouvernance et jetant les bases juridiques d’une société fondée sur l’inclusion et l’égalitarisme.

En mars 1848, un gouvernement réformiste, dirigé par Louis-Hippolyte LaFontaine et Robert Baldwin, que l’on appelait le « grand ministère », a pris le pouvoir de la Province unie du Canada (les territoires aujourd’hui connus comme étant l’Ontario et le Québec). Au cours des trois années durant lesquelles il a été au pouvoir, le gouvernement réformiste a jeté les bases juridiques de l’égalitarisme, instauré un système d’éducation publique et insisté sur une approche non violente de la politique. (Lorsque des manifestants ont incendié le Parlement de Montréal, le gouvernement a ordonné aux forces policières de ne pas ouvrir le feu sur la foule.) Comme l’a fait remarquer John Ralston Saul, auteur et cofondateur de l’ICC, ce fut une amorce assez « incroyablement atypique » de démocratie moderne au Canada, si l’on se réfère au climat politique discordant qui régnait à l’époque tant en Europe qu’aux États-Unis. L’inclusion, les restrictions, le débat, la représentation et l’égalitarisme constituant les préceptes d’une saine gouvernance, selon notre conception contemporaine des choses, furent établis par un improbable duo héroïque formé d’un catholique francophone et d’un protestant anglophone.

« La première loi adoptée par le grand ministère a donné lieu à une politique d’immigration canadienne conçue pour protéger les immigrants. Il s’agit là de la base de nos politiques actuelles sur les réfugiés, l’immigration et la citoyenneté, » affirme John Ralston Saul, qui a écrit une biographie sur les deux dirigeants. « LaFontaine et Baldwin ont montré, par leur exemple, que la démocratie au Canada ne fonctionne que si nous sommes prêts à mettre de l’avant de grandes idées et politiques renforçant l’égalitarisme et le bien public. »

En 2000, John Ralston Saul a créé la Conférence LaFontaine-Baldwin, un rendez-vous annuel en compagnie d’un grand intellectuel public. La Conférence qui rend hommage au legs de LaFontaine et Baldwin, réunit des Canadien·ne·s autour d’un débat et d’un dialogue dans l’esprit du bien public. Parmi les conférencier·ère·s y ayant déjà pris part, il y eut George Erasmus, Shawn A-in-chut Atleo, Son Altesse l’Aga Khan, Naomi Klein, Naheed Nenshi, Robert Lepage, Michael Sandel et Sue Gardner.

Cliquez ici pour plus de détails sur la série de conférences LaFontaine-Baldwin antérieures.

L’Institut pour la citoyenneté canadienne (ICC) est heureux d’annoncer qu’il a reçu une aide financière de 75 000 $ du Fonds pour l’histoire du Canada (Patrimoine canadien), pour son Dictionnaire 6 degrés. (en anglais seulement)

Le Dictionnaire 6 degrés se veut un outil pour favoriser l’inclusion. À l’aide de la définition de 12 mots qui sont à l’origine de tant de désaccords et de malentendus, nous cherchons à provoquer la réflexion et à inspirer le dialogue.

La première version de ce dictionnaire a été présentée à l’occasion du Forum annuel de trois jours sur 6 Degrés tenu à Toronto. Cet évènement rassemble des milliers de penseurs, de gens d’action, de leaders municipaux, d’étudiants, d’artistes et d’autres intervenants de partout dans le monde qui discutent de la façon de bâtir des sociétés inclusives. Les fonds reçus de Patrimoine canadien permettront à l’ICC de poursuivre le dialogue avec plus de gens encore, ce qui nous permettra d’améliorer notre langage afin de rehausser le niveau de notre dialogue citoyen.

« Notre gouvernement est heureux d’appuyer des projets comme celui-ci, qui offrent aux Canadiens une excellente occasion d’en apprendre davantage sur d’importantes discussions d’ordre civique et d’y participer, a déclaré l’honorable Pablo Rodriguez, ministre du Patrimoine canadien et du Multiculturalisme. En cette année du 30e anniversaire de la Loi sur le multiculturalisme canadien, nous sommes fiers de réitérer notre engagement à promouvoir l’inclusion et de montrer à quel point la diversité est une grande source de force et de fierté. »

« Le projet Dictionnaire 6 degrés de l’ICC est important à l’échelle nationale et internationale. Il faut savoir de quoi on parle lorsqu’on parle de l’immigration et de l’appartenance. Voilà un élément essentiel si on veut bâtir l’inclusion, a déclaré le coprésident et cofondateur de l’ICC, John Ralston Saul. Nous sommes très content que Patrimoine canadien appuie ce projet. Repenser tous les mots qui restent à définir présente un défi passionnant, non seulement en français et en anglais, mais aussi en allemand et en espagnol, étant donné nos projets à Berlin et à Mexico. »

L’Institut pour la citoyenneté canadienne est fier de jouer un rôle dans le projet continu d’accueil des nouveaux citoyens et d’encourager leur participation. Le Canada est un pays d’immigrants depuis bien avant la Confédération en 1867.

Le Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières de l’ONU (« Pacte mondial pour les migrations ») est une initiative des États membres de l’ONU axée sur la coopération et visant à faire face aux circonstances qui forcent un nombre sans précédent de personnes de différents pays à quitter leur domicile. Il permettra également de trouver des moyens de réduire les risques énormes associés à ces déplacements, qui ont entraîné la mort d’environ 60 000 personnes au cours des 20 dernières années. L’un des principaux objectifs est d’aider les pays d’accueil à créer des conditions qui permettront aux nouveaux arrivants de réussir.

Le Pacte mondial pour les migrations n’est ni un traité ni une convention, et il n’est pas juridiquement contraignant. Mais cela ne le rend pas moins important. Le Canada devrait être fier de compter parmi les quelque 150 pays signataires réunis aujourd’hui au Maroc. Nous sommes déjà des chefs de file au chapitre de nombreuses pratiques exemplaires en matière d’immigration et nous pourrions apporter notre aide. En fait, bon nombre des normes invoquées dans le pacte des Nations Unies sont déjà en place au Canada et nous avons tout à gagner de ce consensus international. Une telle approche humaniste pour résoudre la plus grande crise de notre ère est conforme aux valeurs canadiennes.