Dialogues Mexique-Canada pour un monde en transformation : Chapitre 2

02.07.2020

L’Institut pour la citoyenneté canadienne et l’ambassade du Canada au Mexique se sont associés pour la deuxième partie d’une série de dialogues Mexique-Canada en trois parties, sur la façon dont les femmes* sont valorisées, particulièrement en ce qui a trait au travail et à la violence familiale depuis le début de la crise de la COVID-19. Ce dialogue est axé sur trois thèmes clés : Qu’entendons-nous par le « travail des femmes », qu’il soit rémunéré ou non, par la violence faite aux femmes en tant que problème mondial, quelles sont les leçons tirées des politiques mises en œuvre pour réduire les inégalités et la violence contre les femmes? Les femmes ont été particulièrement touchées par la pandémie, tant en ce qui concerne la violence familiale que le niveau de risque auquel elles sont exposées dans le cadre des professions qu’elles exercent et qui sont souvent moins prisées, à savoir les soins de santé, l’éducation, les services de garde d’enfants, les soins aux personnes âgées, la gestion du ménage, ainsi qu’une variété d’autres fonctions qu’elles occupent au sein de l’industrie des services.

*Toute personne qui s’identifie comme une femme ou une femme non binaire.

En vedette
– Présentateur : Ambassadeur Graeme C. Clark
– Animatrice : Juana Inés Dehesa-Christlieb
– Invitées : Karen Padilla (Mexique), Catherine Hernandez (Canada), Ana Pecova (Mexique)
– Interprète : Teresa Flores

Principaux points 

Alors que la COVID-19 peut se propager, peu importe la race, le sexe ou la classe sociale, nous avons pu constater que ses répercussions sont inégales.
Les femmes forment un groupe diversifié. Lorsqu’on tient compte d’autres facteurs en plus du sexe, comme la race, l’ethnicité, l’orientation sexuelle ou la capacité, on constate que les effets économiques, sociaux, psychologiques et les répercussions sur la santé de cette crise varient en conséquence. Cela, ajouté à la discrimination systémique qui existe à l’égard des femmes en milieu de travail et à la maison, vient aggraver les conséquences de la crise.

La responsabilité du travail lié aux soins essentiels ne devrait pas uniquement reposer sur les femmes. De plus, ces emplois occupés par des femmes ne devraient pas être considérés comme étant non qualifiés, ou payés comme tels. La crise de la COVID-19 nous a démontré à quel point les emplois liés aux soins sont essentiels pour assurer la santé et le bon fonctionnement de notre société. Ce travail, y compris les services de garde d’enfants et les soins aux aînés, ainsi que le travail en éducation exige des qualifications et il doit être compensé financièrement en conséquence.

Les données ne nous permettent pas toujours de voir toute la portée ou l’étendue de la violence familiale. Toutefois, les données dont nous disposons sont préoccupantes.
Les données sur la violence familiale ne nous permettent pas de voir toute l’étendue du problème en raison des difficultés liées aux signalements, du manque de transparence et des innombrables cas qui n’ont pas été documentés avant un rapport final. Selon une enquête de Statistique Canada, une Canadienne sur 10 a mentionné que la violence conjugale faisait partie de ses trois préoccupations principales pendant de la pandémie. Comme plusieurs rapports et appels à l’action sur les disparitions et les meurtres de femmes autochtones au Canada l’ont clairement établi, cela n’affecte pas toutes les femmes de la même manière. Au Mexique, les appels aux refuges pour femmes ont augmenté de 60 % en avril 2020. Cette année, on compte environ 10 féminicides par jour au Mexique. Toutefois, il n’est pas possible d’établir clairement si ces chiffres ont augmenté depuis le début de la pandémie de COVID-19. La violence familiale est le crime qui fait l’objet du deuxième plus grand nombre de plaintes officielles au Mexique, même s’il s’agit d’un crime particulièrement difficile à rapporter.

Il est nécessaire d’éduquer et de sensibiliser davantage le public sur les systèmes de soutien, sur les refuges et sur les processus judiciaires et juridiques qui existent pour les survivant·e·s de violence familiale.
Le processus de recours aux systèmes de soutien pour la violence familiale peut être assez opaque et inaccessible. Il faut en faire plus pour faire connaître les refuges, les lieux sécuritaires non sexistes et les cliniques de planification familiale qui existent et sensibiliser davantage la population quant à l’importance d’un soutien à la fois psychologique et physique. Quels sont les systèmes disponibles pour les gens qui ne parlent pas la langue du service d’assistance téléphonique ou pour ceux et celles qui n’ont pas accès à un téléphone?

Jusqu’à présent, les changements aux politiques publiques sont limités aux problèmes domestiques. Si nous voulons éliminer la violence contre les femmes, nous devons comprendre ce que cette violence cache. Ce qui se passe dans la vie d’une femme avant qu’elle rapporte un cas de violence familiale ou qu’elle soit victime d’un féminicide? Comme la violence familiale se produit dans la sphère privée, c’est à la collectivité que revient la tâche de prendre des mesures préventives et adaptées. Il faut commencer par définir la masculinité toxique au sein de notre propre famille, valoriser et protéger la féminité, ainsi que le travail de soins, distribuer le travail de manière équitable et préciser clairement les comportements inacceptables. La masculinité toxique et le machisme doivent être éliminés et faire l’objet de discussion pour désapprendre ces comportements dangereux et arrêter de les renforcer.

Les politiques de lutte contre la violence familiale doivent inclure davantage l’identité de genre, l’expression de genre et l’orientation sexuelle et elles doivent tenir compte de la manière dont leur chevauchement affecte à la fois la violence familiale et les systèmes de soutien communautaire. Ces systèmes ne doivent pas seulement être accessibles à ceux qui répondent aux critères bien définis de « femmes victimes de maltraitance infligée par des hommes », mais ils doivent aussi faire en sorte de ne pas exclure ou discriminer les personnes qui souffrent de maladie mentale, d’alcoolisme ou d’un traumatisme.

Même si nous devons viser la mise en place de mesures de prévention, nous devons entre-temps assurer le financement de mesures adaptées ou d’atténuation. Les programmes qui aident les femmes à payer leur loyer et leur donnent accès à un lieu sécuritaire leur permettent de sortir d’une situation dangereuse. Il faut se rappeler que souvent leur principale préoccupation est de se sortir de la violence, et non de punir leurs agresseurs.

Plutôt que de simplement envisager de nouvelles politiques, nous devons nous pencher sur les politiques qui encore aujourd’hui favorisent l’inégalité. Pour changer les choses, nous devons comprendre en quoi l’égalité entre les sexes fait défaut dans chaque domaine des politiques. Au lieu d’étudier problèmes en silos, vous devons examiner comment les politiques relatives à la justice, au logement et à la décriminalisation s’entrecoupent et affectent de façon négative les femmes.

Nous devons entièrement repenser nos institutions et nos structures de la justice, investir dans le soutien communautaire et nous inspirer des systèmes informels qui ont fait leurs preuves en matière de sécurité et de soutien, sans l’intervention de la police. Nous ne pouvons pas continuer à miser sur les systèmes de justice traditionnels, soit la police et les tribunaux, pour faire face à la violence fondée sur le genre puisqu’il a souvent été démontré que ces systèmes exacerbaient les difficultés. Nous avons beaucoup à apprendre des systèmes informels qui offrent des services de soutien et de sécurité efficaces en dehors des institutions judiciaires traditionnelles. Par exemple, les travailleur·euse·s du sexe ont développé des aptitudes pour soutenir leur milieu en la matière. Nous devons valoriser et respecter ces systèmes et les personnes qui y travaillent si vous voulons apprendre de leur expérience.

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